Cinquième chapitre.
L'action dans la conscience de Krsna.
VERSET 6
TRADUCTION Qui pratique le renoncement, mais ne sert le Seigneur avec amour et dévotion, ne saurait trouver le bonheur, ô Arjuna. Les sages, au contraire, se purifient par des actes dévotieux et atteignent bientôt l'Absolu. TENEUR ET PORTEE Il existe deux sortes de sannyasis: les mayavidis, qui étudient la philosophie du sankhya, et les vaisnavas, qui étudient la philosophie du Srimad-Bhigavatam, l'authentique commentaire du Vedanta-sutra. Les sannyasis mayavadis cherchent, eux aussi, à comprendre le Vedanta-sutra, mais à travers le Sariraka-bhasya, le commentaire impersonnaliste qu'en a donné Sankaracarya. Les adeptes de l'école bhagavata, à laquelle appartiennent les sannyasis vaisnavas, pratiquent le service de dévotion en se conformant aux règles du Pancaratriki ils se veulent toujours actifs au service du Seigneur. Mais leurs divers actes, accomplis par amour pour Krisna, n'ont rien de matériel. Les sannyasis mayavidis, au contraire, plongés dans leurs, études philosophiques du sankhya et du vedanta, absorbés dans leurs spéculations intellectuelles, ne peuvent savourer le nectar du service de dévotion. Et parce que leurs études finissent par devenir fastidieuses, ils se lassent de, spéculer sur le Brahman et se tournent alors vers le Srimad-Bhagavatam, sans toutefois en saisir la portée, si bien qu'ils rencontrent de nombreux obstacles dans leur étude de cet ouvrage. Les mayavadis ne retirent absolument rien de leurs spéculations insipides, ni de leurs interprétations non personnalistes des Ecritures, alors que les vaisnavas, eux, absorbés dans le service de dévotion, goûtent un bonheur réel dans l'accomplissement de leurs devoirs spirituels, et sont en outre assurés de finalement atteindre le royaume de Dieu. Il arrive que les sannyasis mayavadis, qui spéculent sur le Brahman, échouent dans la réalisation spirituelle et se relancent alors dans des activités de ce monde, parfois de nature altruiste ou humanitaire, mais toujours matérielles. Les vaisnavas se trouvent donc dans une position plus élevée et plus sûre que les mayavadis, même si ceux-ci, après d'innombrables existences, finissent eux aussi par adopter la conscience de Krisna.
VERSET 7
TRADUCTION Celui dont les actes sont imprégnés de dévotion, l'âme pure, maître de ses sens et de son mental, est cher à tous, et tous lui sont chers. Bien que toujours actif, jamais il ne tombe dans les rets du karma. TENEUR ET PORTEE Celui qui emprunte la voie libératrice de la conscience de Krisa est, par là même, aimé de tous les êtres, et tous les êtres lui sont également chers. De même qu'on ne peut concevoir des branches et des feuilles d'un arbre comme possédant une existence indépendante de cet arbre, le bhakta ne peut voir les êtres autrement qu'en relation avec Dieu, Krisna. Il sait bien que si on arrose les racines d'un arbre, l'eau sera distribuée à toutes les branches et à toutes les feuilles, que si on alimente l'estomac, l'énergie sera distribuée à toutes les parties du corps, et que si l'on agit pour le plaisir de Krisna, source de toutes choses, animées ou inanimées, on sert, par là même, tous les êtres, et on leur devient très cher. Si, par ses œuvres, le bhakta comble tous les êtres, c'est qu'il est pur de conscience. Et, du fait même de cette pureté, il est parfaitement maître de son mental. Maître de son mental, il est également maître de ses sens. Son mental constamment absorbé dans la pensée de Krisna, il ne risque pas de s'éloigner de Lui, d'autant moins qu'il n'use de ses sens que pour Le servir. Il n'aime à entendre que ce qui a trait à Krisna, il ne veut manger que la nourriture d'abord offerte à Krisna, et il n'éprouve le désir d'aller nulle part, si ce n'est pour servir Krisna. Aussi peut-on dire qu'il maîtrise parfaitement ses sens. Et quiconque parvient à maîtriser ses sens ne cause jamais plus de tort à personne. On peut alors se demander pourquoi Arjuna, âme purement consciente de Krisna, doit user de violence contre ses ennemis. Mais comme l'explique le deuxième chapitre, c'est en apparence seulement qu'Arjuna leur porte préjudice: puisqu'on ne peut détruire l'âme spirituelle, toutes les personnes assemblées pour le combat continueront de vivre en tant qu'individus après l'anéantissement de leur corps. Ainsi, du point de vue spirituel, personne ne périra sur le champ de bataille de Kuruksetra. Seul changera, selon le désir du Seigneur, présent en personne, la "vêture" des combattants, leur corps matériel. Arjuna ne va donc pas vraiment combattre; il va simplement, en pleine conscience de Krisna, suivre Ses instructions. Comment pourrait-il, en agissant ainsi, se prendre dans les rets du karma?
VERSET 8/9
pralapan visrjan grhnann
TRADUCTION Bien qu'il voie, qu'il entende, qu'il touche, sente, mange, se meuve, dorme et respire, celui dont la conscience est purement spirituelle sait bien qu'en réalité, il n'est pas l'auteur de ses actes. De cela, il a toujours conscience : lorsqu'il parle, accepte ou rejette, évacue, ouvre ou ferme les yeux, seuls les sens matériels sont impliqués ; lui-même n'a aucun lien avec ces actes. TENEUR ET PORTEE Le bhakta, servant Krisna avec amour et dévotion, se situe à un niveau purement spirituel; ses actes ne dépendent nullement des cinq facteurs, directs et indirects, de l'action, à savoir : l'auteur, l'acte lui-même, le lieu, l'effort accompli et la Providence. Bien qu'il semble agir avec son corps, avec ses sens, il demeure toujours conscient de sa position réelle, qui consiste à s'engager dans des activités purement spirituelles. Le matérialiste utilise ses sens pour son propre plaisir, le bhakta n'use des siens qu'en vue de satisfaire les Sens de Krisna. Ainsi, bien qu'il semble agir au niveau des sens, le dévot de Krisna demeure toujours libre. Voir, écouter, parler, évacuer, etc., ces divers actes physiques n'affectent jamais l'être conscient de Krisna, car se sachant l'éternel serviteur du Seigneur, il ne les accomplit que pour Lui.
VERSET 10
TRADUCTION De même que l'eau ne mouille pas les feuilles du lotus, le péché n'affecte pas celui qui, sans attachement, s'acquitte de son devoir, en offrant les fruits au Seigneur Suprême. TENEUR ET PORTEE L'univers matériel constitue une manifestation totale des trois gunas, qu'on désigne techniquement sous le nom de pradhana, mais il n'en demeure pas moins relié au Brahman Suprême, à Krisna, car bien que diversement manifestés, les effets et la cause ne diffèrent pas. Ce que confirment les hymnes védiques, de même que la Bhagavad-gita: tout, en ce monde, est manifestation du Brahman. Et la Sri Isopanisad reprend le thème, en ajoutant que tout n'appartient qu'au Brahman Suprême, Sri Krisna. Même le corps, accordé par le Seigneur en vue d'une activité particulière, peut être engagé à Son service, dans la conscience de Krisna(brahmani). Krisna dit Lui-même, dans la Bhagavad-gita: "Offre-Moi tous tes actes. Or, l'être qui reconnaît en Lui le possesseur suprême, au service de qui tout doit être utilisé, n'a pas à subir de conséquences matérielles pour ses actes, coupables ou vertueux; il se garantit de toute suite karmique, comme les feuilles du lotus, qui reposent sur l'eau mais n'en sont jamais affectées. En bref, contrairement à celui qui n'a pas conscience de Krisna, au matérialiste, qui n'agit qu'en fonction du corps et des sens matériels, le bhakta agit en conformité avec sa compréhension de la vraie nature du corps, propriété de Krisna.
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