Huitième chapitre.

Atteindre l'absolu.




VERSET 6

yam yam vapi smaran bhavam
tyajaty ante kalevaram
tam tam evaiti kaunteya
sada tad-bhava-bhavitah

TRADUCTION

Car, certes, ô fils de Kunti, ce sont les pensées, les souvenirs de l'être à l'instant de quitter le corps qui déterminent sa condition future.

TENEUR ET PORTEE

Krsna explique dans ce verset comment modifier notre condition au moment critique de la mort: Maharaja Bharata, par exemple, qui mourut en pensant à un cerf, dut accepter, dans sa vie suivante, la forme d'un cerf, peu commun il est vrai, puisqu'il garda le souvenir de son existence passée, mais tout de même un cerf. La question est donc de savoir comment mourir dans la condition mentale voulue.

Nos pensées à l'instant de la mort sont principalement déterminées par la somme des actes et pensées de notre vie entière; ce sont nos actes présents qui décident de notre condition future. Ainsi, spirituellement absorbés dans le service de Krsna au cours de cette vie, nous aurons, en quittant notre enveloppe" actuelle, un corps spirituel, et non plus matériel. Le chant du mantra Hare Krsna est donc le meilleur moyen d'atteindre à l'existence absolue.

VERSET 7

tasmat sarveshu kaleshu
mam anusmara yudhya ca
mayy arpita-mano-buddhir
mam evaishyasy asamsayah

TRADUCTION

Ainsi, ô Arjuna, en Moi, Krsna, en Ma Forme personnelle, absorbe toujours tes pensées, sans faillir à combattre, comme doit le faire un ksatriya. Me dédiant tes actes, tournant vers Moi ton mental et ton intelligence, sans nul doute tu viendras à Moi.

TENEUR ET PORTEE

Ce que Krsna enseigne ici à Arjuna est d'une importance capitale pour quiconque agit au coeur de l'existence matérielle. Le Seigneur ne recommande pas d'abandonner ses devoirs et ses occupations courantes, mais plutôt de les accompagner du souvenir constant de Krsna, grâce au chant du maha-mantra. Ce chant nous lavera de toute souillure matérielle et absorbera le mental et l'intelligence en Krsna, permettant ainsi, sans l'ombre d'un doute, notre retour à la demeure suprême, Krsnaloka.

VERSET 8

abhyasa-yoga-yuktena
cetasa nanya-gamina
paramam purusham divyam
yati parthanucintayan

TRADUCTION

Celui qui toujours se souvient de Moi, le Seigneur Suprême, et sur Moi médite, sans s'écarter de la voie, celui-là, ô Partha, sans nul doute vient à Moi.

TENEUR ET PORTEE

De nouveau, Sri Krsna rappelle combien il est important de Le garder présent dans son souvenir. Or, entendre et chanter le maha-mantra, la vibration sonore du Nom du Seigneur Suprême, acte qui occupe aussi bien le mental que l'oreille et la langue, et ravive en l'être le souvenir de Krsna représente une méditation facile à pratiquer, qui nous aide à atteindre le Seigneur.

Purusam veut dire "bénéficiaire", "qui a jouissance de". Bien que constituant l'énergie marginale du Seigneur, l'être distinct, maintenant souillé par la matière, croit pouvoir jouir de tous les plaisirs du monde; lourde erreur, car il n'en est pas le réel bénéficiaire. Il apparaît clairement ici que le bénéficiaire suprême, le parama purusa, est Dieu, la Personne Suprême qui, dans Ses diverses manifestations et émanations plénières (Narayana: Vasudeva, etc.), a jouissance de tout ce qui est.

De même que la méditation permet au yogi de se concentrer sur l'Ame Suprême, qui habite son coeur, le chant du mantra Hare Krsna permet au bhakta de toujours fixer son mental sur l'objet de son adoration, à savoir le Seigneur Suprême, sous l'une ou l'autre de Ses Formes personnelles (Krsna, Rama, Narayana ... ). Cette pratique constante le purifie et lui permet à la fin de sa vie, d'être transporté jusqu'au royaume de Dieu. S'il faut ainsi imposer au mental la pensée de Krsna, c'est qu'il est, par nature, fébrile et instable. De même qu'à force de penser à la métamorphose qu'elle désire, la chenille, dans une seule vie, se transforme en papillon, l'homme, à force de penser à Krsna, est assuré d'acquérir, à la fin de sa vie, les mêmes attributs de corps que Krsna.

VERSET 9

kavim puranam anusasitaram
anor aniyamsam anusmared yah
sarvasya dhataram acintya-rupam
aditya-varnam tamasah parastat

TRADUCTION

Il faut méditer sur le Seigneur Suprême en tant que l'Etre omniscient, le plus ancien, le Maître et Soutien de tout, qui, plus ténu encore que le plus ténu, est inconcevable, au-delà de l'intelligence matérielle, et toujours demeure une personne. Resplendissant comme le soleil, Il transcende ce monde de ténèbres.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset décrit de quelle façon il convient de penser au Seigneur Suprême, et démontre sans laisser le moindre doute, par l'énumération de Ses Attributs, qu'il n'est ni une force impersonnelle, ni un simple "vide". On ne saurait méditer sur quelque chose d'aussi imprécis qu'une telle force, ou qu'un "vide". La chose serait fort malaisée. Au contraire, il est facile de s'absorber en Krsna, si l'on pense à Ses divers Attributs, tels que les donne ce verset. Rama, Krsna, est d'abord et avant tout le purusa, le bénéficiaire suprême, et divya, purement spirituel. Notre verset Le décrit également comme kavim, c'est-à-dire parfaitement conscient du passé, du présent et de l'avenir, et, par suite, omniscient; comme l'Etre le plus ancien, car Il est l'origine de tout, car tout est né de Lui; comme le maître de l'univers, soutien et guide de l'humanité; comme plus infiniment petit que le plus infiniment petit: si l'âme infinitésimale ne mesure que le dix-millième de la pointe d'un cheveu, le Seigneur est si inconcevablement ténu qu'il pénètre à Son tour dans le coeur de cette particule spirituelle. Absolu, Il a ce pouvoir de pénétrer dans l'atome et dans le coeur du plus infiniment petit, pour le diriger en tant que l'Ame Suprême; d'où le qualificatif de "plus ténu que le plus ténu" que Lui accorde ce verset.

Mais bien que si ténu, Il n'en demeure pas moins omniprésent, le soutien de tout ce qui est, y compris de tous les systèmes planétaires. On se demande souvent comment les immenses planètes peuvent flotter dans l'espace, mais nous savons par ce verset que le Seigneur Suprême, par Son inconcevable puissance, est celui qui maintient tous les astres, toutes les galaxies. Le mot acintya, "inconcevable", est ici particulièrement lourd de sens. Car, la puissance de Dieu dépasse notre entendement, dépasse notre imagination; c'est pourquoi on la dit inconcevable, ou acintya. Qui pourrait contredire ce point? Krsna est partout présent dans l'univers matériel, et pourtant S'en trouve au-delà. Or, nous ne pouvons pas même comprendre cet univers! Comment donc saisir ce qui se trouve au-delà, dans le monde spirituel, infiniment plus vaste? Comment saisir l'acintya, l'inconcevable, qui transcende la matière, qui dépasse la logique et la spéculation humaine. Par suite, l'homme d'intelligence abandonnera la controverse inutile et les vaines hypothèses pour s'en remettre aux Ecritures, comme les Vedas, la Bhagavad-gita et le Srimad-Bhagavatam, les étudier et en appliquer les principes. Telle est la clé de l'entendement.

VERSET 10

prayana-kale manasacalena
bhaktya yukto yoga-balena caiva
bhruvor madhye pranam avesya samyak
sa tam param purusham upaiti divyam

TRADUCTION

Qui, à l'instant de la mort, fixe entre les sourcils son air vital et, avec la dévotion la plus profonde, s'absorbe dans le souvenir du Seigneur Suprême, ira certes à Lui.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset indique sans aucune ambiguïté qu'à l'instant de la mort, il faut fixer avec dévotion son mental sur le Seigneur Suprême. Il est recommandé aux yogis expérimentés d'élever le souffle vital entre les sourcils, mais le pur bhakta, qui ne s'adonne pas à ces pratiques, devrait, lui, constamment absorber son mental en Krsna, de façon à ce qu'au moment de la mort, il puisse, par Sa grâce, se souvenir de Lui. C'est ce qu'expliquera le verset quatorze.

Les mots yoga-balena, dans ce verset, doivent être soulignés: ils indiquent qu'à moins d'avoir pratiqué le yoga sous l'une ou l'autre de ses formes, et tout particulièrement le bhakti-yoga, on ne peut compter, à l'instant de la mort, retrouver soudainement le souvenir du Seigneur Suprême, et atteindre le niveau spirituel. Il est essentiel de s'entraîner à la vie spirituelle tout au long de son existence, par la pratique du yoga, car le mental de l'homme qui va mourir est fort troublé.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare