LE PRAGMATISME JOHN DEWEY
(1859-1952)

HAYAGRIVA : Dewey croit que les religions sont en fait des mythes et que l’expérience s’avère de première nécessité. Il considère d’ailleurs la philosophie comme supérieure à la religion. « La forme [dans la philosophie] cesse d’être celle de l’histoire racontée dans un style plein d’imagination et d’émotion, écrit-il, et devient celle d’une dissertation rationnelle respectant les canons de la logique. » Pour lui, les exposés védiques des Divertissements de Krishna seraient purement mythiques.

-SRILA PRABHUPADA: Krishna est un personnage historique; Il n’est pas un être imaginaire. Le Mahâbhârata est reconnu par toutes les autorités de l’Inde, et surtout par les âchâryas ou les maîtres de la spiritualité. Ceux-ci n’acceptent pas toutefois la pensée pleine d’imagination de M. Dewey.

HAYAGRIVA: Quand la science commença de sonder l’Univers phénoménal sans admettre le droit de propriété de Dieu, la dégradation des valeurs et de la morale s’ensuivit. Dewey s’efforça de rassembler ces valeurs démantelées à l’aide de la philosophie, et ce à l’instar de la science, c.-à-d. sans reconnaître le droit de propriété de l’Être Suprême.

-SRILA PRABHUPADA: C’est de la folie pure et simple, car tout doit avoir un propriétaire. Pourquoi le vaste cosmos en serait-il privé ? Il est aussi naturel que logique d’accepter l’existence d’un propriétaire. Qui irait penser qu’une nation organisée n’a pas de gouvernement ? Comment une personne logique peut-elle arriver à de telles conclusions ?

HAYAGRIVA : Dewey estime que la science a porté un coup fatal aux religions orthodoxes, historiques, telles que nous les connaissons.

-SRILA PRABHUPADA: Je ne cesse de répéter que la religion revient à accepter les lois divines. L’entière manifestation cosmique fut créée à une certaine date et appartient ainsi à l’Histoire. Toute entité matérielle ayant un commencement a également une histoire; mais la religion existait bien avant la création du cosmos. Nous sommes d’infimes créatures férues de la brève histoire de notre planète, qui couvre quelques millénaires; mais l’histoire de Brahmâ s’avère fort différente. Car elle couvre des milliards et des milliards d’années terrestres. Dans un même temps, notre histoire diffère de celle de la fourmi. De sorte que, d’un point de vue historique, tout est relatif à l’être vivant qui évalue ou vit cette histoire. La majorité des gens ne savent rien des entités supérieures qu’on appelle dévas; or, la littérature védique nous informe que dans les sytèmes planétaires supérieurs, le niveau de vie est différent et la longévité supérieure.
À moins de connaître à fond l’Univers entier, les religions peuvent paraître imaginaires; mais ce qui est imaginaire pour les uns peut être factuel pour les autres. Aux yeux de la fourmi, l’Histoire humaine relève de l’imaginaire. Hélas, les savants et philosophes de notre planète ont leur propre mode de pensée et considèrent comme factuelle toute pensée qui leur vient à l’esprit. Par contre, ils qualifient de mythologie tout ce qu’ils ne peuvent concevoir.

HAYAGRIVA: Écrivant au début du siècle, Dewey estime qu’il est grand temps de rejeter toutes les religions superstitieuses. Selon lui, la logique « exige qu’en esprit nous effacions tout pour recommencer en se demandant que penser du monde occulte… » En d’autres mots, il faudrait redéfinir Dieu et la religion.

-SRILA PRABHUPADA: C’est en effet nécessaire. Le Srîmad-Bhâgavatam (1.1.2) rejette toutes les « religions fallacieuses », car elles sont dénuées de parfait savoir.

dharmah projjhita-kaitavo ’tra paramo nirmatsarânâm satâm
vedyam vâstavam atra vastu sivadam tâpa-trayonmûlanam
srîmad bhâgavate mahâmuni-krte kim vâ parair îsvarah
sadyo hrdy avarudhyate ’tra krtibhih susrûsubhis tat-ksanât

« Ce Bhâgavata Purâna, entièrement opposé à tout acte de religion que motive un quelconque désir matériel, dévoile la vérité la plus haute, accessible aux dévots dont le cœur est pur. Cette vérité la plus haute est la pure réalité, qu’il distingue, pour le bien de tous, de l’illusion, et elle met fin aux trois formes de souffrance. Ce magnifique Bhâgavatam compilé par le grand sage Sri Vyâsadéva, suffit en lui-même à conférer la réalisation de Dieu, et celui qui écoute son message de manière attentive et soumise s’attache dès lors fermement au Seigneur Suprême. »

La somme et l’essence de la religion du Bhâgavatam consiste à accepter Dieu en tant que maître absolu. Janmâdy asya yato ’nvayâd itaratas cârthesv abhijñah svarât (Bhâgavatam 1.1.1). Voici le principe : Brahman est Celui dont tout émane. À moins de connaître la source ultime de toute émanation, notre savoir demeure imparfait. Nous savons par expérience que tout émane d’une source. De même, l’entière Création a une histoire et une source dont elle émane. N’allons pas croire que cette source serait imaginaire du seul fait qu’on ne puisse l’atteindre. Pas question non plus de fonder une nouvelle religion puisque la religion existe éternellement. Il doit y avoir un maître absolu : c’est Dieu. Dewey peut toujours demander : « Qu’en est-il de votre expérience ? » Nous lui répondrons que nous avons fait l’expérience de la matière inerte et de la conscience. Notre expérience ne va guère plus loin. Au-delà se trouve un maître unique, un troisième facteur : la Vérité Absolue, qui régit toutes les entités animées et inanimées visibles. Pourquoi est-ce si difficile à comprendre ?

HAYAGRIVA: Dans son livre A Common Faith, Dewey écrit : « Ce que je critique, c’est l’identification de l’idéal à un Être particulier, surtout quand cette identification rend nécessaire la conclusion que cet Être existe au-delà de la Nature. Et j’ai cherché à montrer que l’idéal même prend racine dans les conditions naturelles… »

-SRILA PRABHUPADA: Dieu n’émane pas de la Nature. Il en est plutôt le maître absolu. Comment peut-on penser que le phénomène colossal qu’on appelle la Nature n’ait pas de superviseur ? Comment peut-on croire que tout se déroule automatiquement ?

HAYAGRIVA: Dewey voit Dieu émerger de la quête humaine de la perfection.

-SRILA PRABHUPADA: Dieu existe d’ores et déjà; quant à la perfection humaine, elle repose sur l’aptitude à comprendre le Seigneur. Non pas qu’un homme parfait puisse créer Dieu grâce à son imagination. Aucune création humaine n’est autonome, mais Dieu jouit d’une autonomie absolue. Si l’humain meurt sous l’autorité du Suprême, comment peut-on dire qu’il a créé ou qu’il a Celui-ci sous sa coupe ? S’il ne peut dominer ce que Dieu lui impose déjà – la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort –, comment pourrait-il créer ou concevoir le Seigneur ? Avant de songer à créer Dieu, il faudrait d’abord s’affranchir des lois divines.

HAYAGRIVA: Il appert que Dewey désire employer le mot « Dieu » aux fins de promouvoir sa propre conception philosophique de « l’union active de l’idéal et du réel ». Il écrit  : « L’emploi des mots Dieu ou divin pour communiquer l’union de l’idéal et du réel pourrait protéger l’humain d’un sentiment d’isolement et du désespoir ou défi résultant. »

-SRILA PRABHUPADA: On peut certes définir Dieu, mais seul un mouni – un grand érudit – pourrait Le faire correctement. À titre d’exemple, on pourra dire « Dieu existe » ou « Dieu est grand ». De là, on pourrait ensuite définir Sa grandeur, laquelle englobe les six excellences dans toute leur plénitude : la puissance, la richesse, le savoir, le renom, la beauté et le renoncement, que seul Dieu possède si entièrement. Quand Krishna était présent sur cette planète, Il démontra qu’Il était le plus fort, le plus influent, le plus beau et pur, ainsi que le plus grand des sages. L’enseignement de Krishna, la Bhagavad-Gîtâ , est encore étudié de nos jours à travers le monde entier.
De grands âchâryas dont Râmânoujâchârya, Madhvâchârya, Nimbârka, Shankarâchârya et Chaitanya Mahâprabhou ont tous reconnu en Krishna le Seigneur Suprême. Ces autorités sont parfaitement d’accord quant à la divinité de Krishna. Pas question donc ici de mythologie. Lorsque des adeptes de la spéculation lisent la description du soulèvement de la colline Govardhan par Krishna dans le Srîmad-Bhâgavatam, ils pensent qu’il s’agit là d’un récit mythologique. Mais serait-ce vraiment difficile pour Dieu de soulever une colline ? S’Il est tout-puissant, où serait le problème ? Quand le Seigneur apparaît et démontre Sa divine puissance, gardons-nous d’y voir quelque mythologie.

HAYAGRIVA: Contrairement à Marx et Comte, Dewey rejette l’idée de faire de l’humanité un objet d’adoration. Il écrit : « La Nature produit tout ce qui apporte renfort et direction, mais aussi ce qui sème la discorde et la confusion. Le divin est ainsi un terme de choix et d’aspiration humains. »

-SRILA PRABHUPADA: Pas question ici de choix humain. Pouvez-vous dire que vous avez choisi de mourir ? De toute évidence, vous y êtes contraint. Mais d’où vient cette contrainte ? Personne ne veut mourir, mais nul n’échappe à la mort. Personne ne veut vieillir, mais là encore, aucun de nous ne peut s’y soustraire. Nous devons comprendre l’origine de cette contrainte. Dieu incarne l’autorité, la force suprême. Qu’on appelle ce Dieu « la Nature » ou autrement, on doit admettre qu’une entité suprême nous domine. Comment imaginer ou philosopher que l’humain puisse devenir Dieu ?

HAYAGRIVA: Dewey écrit : « La religion humaniste qui exclurait notre relation avec la Nature serait aussi pâle et ténue que présomptueuse en voyant en l’humanité un objet d’adoration. »

-SRILA PRABHUPADA: Aux yeux d’une personne consciente de Dieu, tout est digne d’adoration. Mais le Seigneur incarne l’objet d’adoration suprême : îsvarah paramah krishnah (Brahma-samhitâ 5:1). Certains croient que la Nature est suprême, mais les âmes conscientes de Dieu savent qu’Il en est le maître. Mayâdhyaksena prakrtih sûyate sa-carâcaram : « La Nature matérielle agit sous Ma direction, engendrant tous les êtres, mobiles et immobiles. » (Gîtâ9:10) La Nature n’est que matière et celle-ci ne peut agir indépendamment. La matière est manipulée et régie par un être vivant qui incarne la Nature supérieure. Bhûmir âpo ’nalo vâyuh kham mano buddhir eva ca (Gîtâ7:4) : la terre, l’eau, l’air, le feu, etc., constituent la Nature inférieure. Au-delà se situe la Nature supérieure. Les êtres vivants sont des maîtres limités, mais au-dessus d’eux il y a le Maître Absolu, Dieu. Quoi de plus simple à comprendre. Il existe deux natures : l’une est active et l’autre inactive. Au-delà, une personne active les domine toutes deux.

SYAMASUNDAR: En ce qui concerne sa méthodologie, Dewey croit que les conséquences pratiques représentent l’unique épreuve de vérité valide. Il avance que c’est à ses résultats prévisibles que l’on peut juger d’une idée.

-SRILA PRABHUPADA: Lorsqu’une idée jaillit d’une imagination trop fertile, on ne saurait en établir les résultats. On peut toutefois prévoir les résultats d’une idée réaliste.

SYAMASUNDAR: Pour Dewey, l’objet de la recherche serait la croyance même. Nos questions reposent sur notre désir de croire.

-SRILA PRABHUPADA: Le Védânta-soûtra nous conseille de rechercher la cause ultime de tout, de s’enquérir de la Vérité Absolue. Mais nos questions doivent être posées à une personne qui sait. Sinon, à quoi bon s’enquérir ? Les Védas recommandent qu’on approche un maître spirituel authentique, un gourou, lorsqu’on est en quête de la vérité. Malheureusement, à l’heure actuelle, on compte tant de pseudo-gourous qu’il nous faut ajouter le mot « authentique ». Car le mot gourou est déjà synonyme d’authenticité : celui qui n’est pas authentique ne saurait vraiment être gourou. Maintenant, quand nous employons le mot « s’enquérir », il est entendu que c’est dans le but d’apprendre la vérité. Il s’agit ainsi de s’enquérir de qui connaît la vérité pour que notre démarche soit valide. Tad viddhi pranipâtena pariprasnena sevayâ : « Cherche à connaître la vérité en approchant un maître spirituel. Enquiers-toi d’elle auprès de lui avec soumission, tout en le servant. » (Gîtâ4:34) Ainsi le veut la recommandation védique. Notre quête doit être authentique et la réponse doit venir d’une personne qui l’est également.

SYAMASUNDAR: Dewey croit que le résultat final d’une telle quête sera la satisfaction des nécessités humaines. Par l’action pratique, il s’avère possible de transformer l’environnement extérieur. -SRILA PRABHUPADA: À moins de s’enquérir de la Vérité Absolue, on ne considère pas que l’être humain ait suffisamment développé son humanité. Pour que s’épanouisse la conscience, il faut s’enquérir du soi en demandant : « Qui suis-je ? » On baigne dans l’ignorance tant que cette question ne se pose pas.

SYAMASUNDAR: Dewey estime qu’en s’enquérant, on peut déterminer ce qui ne va pas dans notre environnement, agir pour le modifier et satisfaire aux nécessités humaines.

-SRILA PRABHUPADA: La quête d’une personne sérieuse élucidera tout. En s’enquérant du but de la vie humaine, elle démontrera son intelligence. Il n’est pas possible à l’animal de poser de telles questions, car sa vie se résume à manger, dormir, se défendre et s’accoupler.

SYAMASUNDAR: Mais notre quête doit-elle viser la transformation de notre environnement extérieur ?

-SRILA PRABHUPADA: Si votre quête est sérieuse et si vous connaissez les choses sous leur vrai jour, vous modifierez vos activités. Nous prêchons que c’est notre devoir de connaître Krishna. Si les gens prennent notre mouvement au sérieux, leur mode de vie entier en sera transformé. C’est d’ailleurs ce que nous constatons maintenant. L’ancien mode de vie des disciples de la conscience de Krishna laissait certes à désirer; désormais, leur vie entière s’est transformée.

SYAMASUNDAR: Au lieu de chercher à améliorer l’environnement, nous devrions d’abord nous efforcer de transformer notre conscience ?

-SRILA PRABHUPADA: C’est la conscience qui requiert une transformation, soit par les circonstances, soit par l’écoute auprès d’une autorité. Il existe deux façons d’acquérir le savoir : l’écoute et l’expérience directe. Toute personne intelligente pourra comprendre grâce à l’écoute. Sachant qu’en agissant d’une certaine manière elle s’expose au danger, elle apprendra en prêtant l’oreille aux autorités. Alors qu’une personne moins intelligente devra vivre une situation délicate ou dangereuse afin de pouvoir transformer sa conscience. L’écoute ne lui suffit pas. Des deux voies précitées, l’apprentissage par l’écoute s’avère supérieure. Voilà pourquoi notre méthode consiste à approcher un précepteur authentique pour apprendre de lui. Tel est le brahmacharya. Non pas qu’il nous faille apprendre à travers l’expérience pratique. L’expérience a déjà été réalisée. Il nous suffit de l’accepter grâce à l’écoute, ce qui rend tout plus facile. Évitons de dire : « Je vais tomber dans le ravin, pour ensuite pleurer. » Mieux vaut profiter d’un bon conseil et éviter le ravin entièrement.

HAYAGRIVA: Dewey croit que dans le domaine de la religion et de la philosophie, toute certitude serait impossible. Il écrit : « Toute philosophie qui, dans sa quête de certitude, ignore la réalité de l’incertitude dans le processus continuel de la Nature nie les conditions dont elle émerge. »

-SRILA PRABHUPADA: On nage dans l’incertitude quand on n’accepte pas la réalité. Dieu est réalité et Il explique comment agit la Nature. En refusant Ses explications, nous nous plaçons dans une position aussi périlleuse qu’incertaine. Mais comment pourrions-nous être convaincus quand Dieu apparaît pour Se révéler, Lui et Ses activités, et que nous les considérons comme mythologiques ? Comment pourrions-nous jamais être certains ?

HAYAGRIVA: Selon Dewey, il existerait une voie sûre d’accès à la vérité : « la voie de la quête patiente, coopérative, opérant à travers l’observation, l’expérimentation, la documentation et la réflexion dirigée. »

-SRILA PRABHUPADA: La documentation est rassemblée dans le Mahâbhârata; ceux qui ont vu l’ont confirmée. Vyâsadéva, Nârada et Arjuna confirment tous que la documentation est exhaustive. Mais si les gens refusent d’y croire, comment pourrait-on les convaincre ? Les âmes conditionnées n’ont pas les sens parfaits requis pour voir; tant qu’elles demeurent sceptiques, elles vivront dans les ténèbres. Elles pourront certes y laisser libre cours à leur imagination, mais jamais elles n’auront accès au parfait savoir de cette façon.

SYAMASUNDAR: Dewey a établi cinq étapes pour résoudre les problèmes et accéder à des vérités : examiner un problème et en considérer la nature; l’intellectualiser et l’analyser; envisager des hypothèses et des solutions; analyser nos hypothèses selon l’expérience du passé et choisir des solutions possibles; appliquer ces solutions.

-SRILA PRABHUPADA: Krishna incarne la solution à nos problèmes. Krishna dit : kaunteya pratijânîhi na me bhaktah pranasyati : « Tu peux le proclamer avec force, ô fils de Kuntî, jamais Mon dévot ne périra. » (Gîtâ9:31) En prenant refuge de Krishna, nos problèmes sont résolus. Yatra yogesvarah krishnah (Gîtâ18:78). Étant Yogeshvara, Krishna est le réservoir de tout pouvoir surnaturel. Le bhakta ne s’efforce pas de dévenir un yogi; au contraire, il cherche plutôt refuge auprès de Dieu, la Personne Suprême – Yogeshvara –, le maître de tous les pouvoirs magiques. Telle est, selon nous, la solution à tous nos problèmes.

daivî hy esâ gunamayî mama mâyâ duratyayâ
mâm eva ye prapadyante mâyâm etâm taranti te

« Il est très difficile de surmonter cette divine énergie que constituent les trois gunas. Mais qui s’abandonne à Moi en triomphe aisément. » (Gîtâ7:14) Il existe diverses façons de résoudre les problèmes, mais la meilleure consiste à s’abandonner à Krishna. Tous les problèmes seront alors résolus.

SYAMASUNDAR: Même les problèmes sociaux ?

-SRILA PRABHUPADA: Oui. À titre d’exemple, les Pândavas étaient confrontés à un problème politique. Mais en cherchant refuge auprès de Krishna, leurs problèmes sociaux et politiques furent résolus.

SYAMASUNDAR: Pour Dewey, la vérité doit satisfaire aux nécessités humaines et améliorer les conditions sociales. Il voit la vérité comme un outil pratique.

-SRILA PRABHUPADA: Les problèmes sociaux ont été créés par nous. Étant Lui-même parfait, tout ce que Krishna crée est également parfait. Om pûrnam adah pûrnam idam (Sri Îsopanishad, invocation). Les choses semblent imparfaites parce que nous désobéissons aux directives de Krishna. Aucun problème ne surgit lorsqu’on demeure fidèle à Krishna. On parle de vérité, mais les gens ne la connaissent malheureusement pas.

na te viduh svârtha-gatim hi visnum durâsayâ ye bahir-artha-mâninah
andhâ yathândhair upanîyamânâs te ’pîsa-tantryâm uru-dâmni baddhâh

« Les êtres hantés par le désir de jouir de l’existence matérielle, et ayant dès lors accepté pour maître ou pour gourou un autre aveugle également attaché aux objets des sens, ne peuvent comprendre que le but de la vie consiste à retourner dans leur demeure originelle pour y servir Dieu, Vishnou. De même que des aveugles guidés par un autre aveugle s’écartent du chemin et tombent dans un ravin, les hommes attachés à la vie matérielle qui se laissent guider par d’autres matérialistes, se voient liés par les cordes très robustes de l’action intéressée et poursuivent sans fin leur existence matérielle, assujettis aux trois formes de souffrances. » (Bhâgavatam 7.5.31) La vérité ultime, le but ultime, c’est Vishnou. Hélas, les gens cherchent à résoudre les problèmes inhérents à ce monde sans s’en référer à Vishnou. Une impossibilité s’il en est une.

SYAMASUNDAR: Comment l’adoration de Vishnou résoudrait-elle les problèmes sociaux ?

-SRILA PRABHUPADA: L’être humain qui œuvre selon le varnâshram-dharma satisfait Vishnou. Les brahmanes, les kshatriyas, les vaisyas et les shoûdras assument différents devoirs prescrits. En les exécutant, tous les problèmes sont résolus. Malheureusement, le varnâshram-dharma a été tué en Inde. Désormais, chacun est shoûdra. Ce terme désigne une personne peu intelligente. Puisque tous sont dénués d’intelligence, comment pourraient-ils résoudre les problèmes ? Que peuvent-ils faire ? Ils s’efforcent de gouverner de façon démocratique tout en tenant compte des votes des shoûdras, mais ces derniers ne peuvent rien résoudre. Jadis, l’Amérique appartenait aux Amérindiens qui ne l’ont pas développée. Pourquoi ne purent-ils pas améliorer leur sort ? La terre et tout le reste était là. Mais à leur arrivée, les Européens ont su développer la terre. Les shoûdras ne peuvent rien actualiser. En rétablissant le varnâshram-dharma, tous les problèmes seront résolus. Tel était le projet de mon Gourou Mahârâj. Daiva-varnâshram désigne le message de Krishna. Les varnâs ne sont pas déterminés par le seul droit de naissance, mais par qualification. C’est ce dernier critère qui fait de nous un brahmane ou un shoûdra. En suivant le cours prescrit pour notre varnâ, nous pouvons satisfaire le Seigneur Vishnou et ainsi connaître le bonheur.

SYAMASUNDAR: Dewey écrit : « L’homme de bien est celui qui, peu importe sa valeur morale antérieure, s’efforce de s’améliorer. L’évolution en soi incarne l’unique finalité morale. »

-SRILA PRABHUPADA: Au début, le dévot du Seigneur peut encore accomplir quelque acte répréhensible; mais comme il a adopté la conscience de Krishna, on le considère comme un sâdhou.

api cet sudurâcâro bhajate mâm ananya-bhâk
sâdhur eva sa mantavyah samyag vyavasito hi sah

« Commettrait-il les actes les plus détestables, quiconque est engagé dans le service de dévotion doit être considéré comme un saint homme, car sa détermination à servir le Seigneur est juste. » (Gîtâ9:30) Notre vie peut comporter de nombreux écarts, mais si on a bon cœur, si on œuvre dans la conscience de Krishna, on est considéré comme un sâdhou même si on ne s’est pas corrigé de ses mauvaises habitudes. Ksipram bhavati dharmâtmâ sasvac-chântim nigacchati : « Rapidement, il devient vertueux et trouve pour toujours la paix. » (Gîtâ9:31) Ayant adopté la conscience de Krishna, toutes nos mauvaises habitudes seront bientôt corrigées.

SYAMASUNDAR: En d’autres mots, il cherche à améliorer sa condition morale ?

-SRILA PRABHUPADA: En adoptant la conscience de Krishna, sa moralité se développera graduellement.

yasyâsti bhaktir bhagavaty akiñcanâ
sarvair gunais tatra samâsata surâh

« Tous les dévas avec leurs éminentes vertus, comme la religion, le savoir et le renoncement, se manifestent chez la personne qui a développé une dévotion pure et sans mélange pour Dieu, la Personne Suprême, Vâsoudéva. » (Bhâgavatam 5.18.12) Toutes les vertus se manifesteront automatiquement. Restant fidèles aux quatre principes régulateurs, évitons les rapports sexuels illicites, l’intoxication, la viande et les jeux de hasard. Chantons ou récitons également le mahâ-mantra Hare Krishna. En suivant les directives du maître spirituel, tout se développera automatiquement. Toutes les qualités morales s’ensuivront. Non pas que nous devions les développer séparément. Toutes les vertus parent déjà l’âme spirituelle, bien qu’elles soient à l’heure actuelle recouvertes par la souillure matérielle. Hrsîkena hrsîkesa-sevanam bhaktir ucyate (Bhakti-rasâmrita-sindhou 1.1.12) Purifions nos sens en les engageant au service de leur maître, Krishna. Telle est la voie de la bhakti.

SYAMASUNDAR: Dewey ne croit pas au bien ou au mal absolu; chaque situation doit être considérée de façon individuelle.

-SRILA PRABHUPADA: Toute activité accomplie dans le cadre de la conscience de Krishna revient à faire le bien. Et tout ce qu’on fait sans rechercher la satisfaction de Krishna s’avère inutile, même si cela est conforme à l’éthique.

SYAMASUNDAR: Dewey estime que le souverain bien serait l’élimination du pire mal. C’est la satisfaction des plus grands besoins de l’humain.

-SRILA PRABHUPADA: L’objectif suprême, c’est Krishna, Vishnou. En devenant un Vaishnava, nous réalisons la plus haute perfection de la vie humaine. La conscience de Krishna, pure et suprême – voilà la plus grande nécessité. Tout être vivant fait partie intégrante de Krishna. Mamaivâmso jîva-loke jîva-bhûtah sanâtanah : « Les êtres en ce monde matériel sont des fragments éternels de Ma Personne. » (Gîtâ15:7) N’oublions donc jamais que, faisant partie intégrante de Krishna, notre devoir consiste à Le servir. Une conscience perverse nous fait penser : « Je suis Krishna, je suis Dieu ». Telle n’est pas la conscience de Krishna.

SYAMASUNDAR: Dewey croit qu’il ne faut pas choisir le bien ou le mal en se basant simplement sur quelque théorie, mais afin d’amoindrir des maux spécifiques.

-SRILA PRABHUPADA: La forme universelle du Seigneur (virât-roûpa) se manifesta à Arjuna. Celui-ci vit alors que tout en l’Univers fait partie intégrante de cette virât-roûpa, au sein de laquelle tout joue un rôle, accomplit un devoir. Quand nous œuvrons selon ce rôle, les problèmes sont automatiquement résolus.

SYAMASUNDAR: Selon Dewey, nous ne pourrons jamais acquérir une certitude ou perfection absolue. Nous ne saurions qu’atteindre des niveaux supérieurs d’évolution morale.

-SRILA PRABHUPADA: Ce qui signifie qu’il ne sait rien de la perfection absolue.

SYAMASUNDAR: L’activité humaine peut rendre le monde meilleur, mais la perfection n’est guère possible en ce monde.

-SRILA PRABHUPADA: Ça c’est une autre affaire. Le monde est ainsi fait que même en le rendant parfait, il se détériorera demain. De sorte qu’en un sens, on ne peut le rendre parfait. Mais il est possible de le rendre meilleur.

paritrânâya sâdhûnâm vinâsâya ca duskrtâm
dharma-samsthâpanârthâya/ sambhavâmi yuge yuge

« J’apparais d’âge en âge pour délivrer les croyants, anéantir les mécréants et rétablir les principes de la spiritualité. » (Gîtâ4:8) Toute condition déplorable peut s’améliorer grâce à la conscience de Krishna. Krishna et la conscience de Krishna ne sont pas différents. Dans la conscience de Krishna, vous vivez avec Krishna; et en Sa présence, que pouvez-vous craindre ? Sur le champ de bataille de Kurukshetra, Arjuna était sans crainte du fait que Krishna Se trouvait à ses côtés.

samâsritâ ye padapallava-plavam mahat-padam punya-yaso murâreh
bhavâmbudhir vatsa-padam param padam padam padam yad vipadâm na tesâm

« Pour celui qui a pris refuge sur le vaisseau des pieds pareils-au-lotus du Seigneur, Mukunda – Celui qui accorde la libération –, en qui repose toute la manifestation cosmique, l’océan de l’existence matérielle est comparable à l’eau contenue dans l’empreinte du sabot d’un veau. Il n’a d’autre but que Vaikountha, et non pas le lieu où de nouveaux dangers se présentent à chaque pas. » (Bhâgavatam 10.14.58) Dans l’Univers matériel, de nouveaux dangers apparaissent à chaque pas. Mais dès qu’on comprend Krishna, on remplit les conditions requises pour être promu au monde spirituel.

janma karma ca me divyam evam yo vetti tattvatah
tyaktvâ deham punar janma naiti mâm eti so ’rjuna

« Ô Arjuna, celui qui connaît la nature transcendantale de Mon avènement et de Mes actes n’a plus à renaître dans l’Univers matériel; quittant son corps, il atteint Mon royaume éternel. » (Gîtâ4:9)

SYAMASUNDAR: En devenant conscient de Krishna, on conjure donc tout danger, tout mal ?

-SRILA PRABHUPADA: Certes. Ainsi est-ce la meilleure œuvre de bienfaisance qui soit pour le monde entier. D’autres méthodes peuvent apporter quelque bienfait ou soulagement temporaire, mais la situation ne pourra que se détériorer à nouveau par la suite. Vous pouvez donner en charité aux pauvres et vos dons serviront pendant quelque temps; en leur donnant Krishna-prémâ toutefois, ils seraient aussitôt transportés dans le monde spirituel. Aussi qualifie-t-on Chaitanya Mahâprabhou d’avatar le plus magnanime, car Il a offert Krishna-prémâ au monde.

namo mahâ-vadânyâya krishna-prema-pradâya te
krishnâya krishna-chaitanya- nâmne gaura-tvise namah

(Caitanya-Caritâmrta, Madhya 19:53)

SYAMASUNDAR: Mais le but des utilitaristes est d’obtenir ce que les gens désirent et requièrent.

SRILA PRABHUPADA :Les gens désirent et requièrent le bonheur, mais ils le cherchent dans le transitoire.

rsabha uvâca nâyam deho deha-bhâjâm nrloke kastân kâmân arhate vid-bhujâm ye
tapo divyam putrakâ yena sattvam suddhyed yasmâd brahma-saukhyam tv anantam

« Sri Rishabhadéva dit à Ses fils : Mers chers enfants, d’entre tous les êtres ayant revêtu en ce monde des corps matériels, ceux auxquels une forme humaine a été octroyée ne devraient pas peiner jour et nuit en vue du seul plaisir des sens, accessible même aux chiens et aux porcs qui se nourrissent d’excréments. Ils devraient plutôt pratiquer la pénitence et l’austérité pour atteindre le niveau divin du service de dévotion. Grâce à cette pratique, le cœur se purifie et on découvre alors une existence éternelle et toute de félicité, qui transcende le bonheur matériel et dure à jamais. » (Bhâgavatam 5.5.1) Purifiez votre existence et vous goûterez éternellement au bonheur et à la félicité. Tous peinent pour être heureux, mais comment goûter au bonheur quand on est malade ? Il s’agit avant tout de guérir puisque la maladie fait obstacle au bonheur. Janma-mrtyu-jarâ-vyâdhi : naissance, maladie, vieilllesse et mort – voilà les vrais maux dont nous souffrons. (Gîtâ13:9) Il faut s’en guérir pour réaliser le vrai bonheur. Quoi que vous désiriez, le but ultime c’est le bonheur. Malheureusement, la personne malade pense : « Je suis heureux. » Voilà un faux bonheur. Bien que mourant, vous croyez être heureux. Voilà ce qu’on appelle se bercer d’illusions.  

SYAMASUNDAR: Dewey estime que la ligne d’action désirable devrait remplir certaines conditions susceptibles d’être prédites, et devraient reposer sur des jugements ou évaluations qui pourraient servir de directives d’action future. »

-SRILA PRABHUPADA: Voici ce qui est prévisible : vous dites « je ne veux pas mourir. » Je vous dis : « Accédez à cette position [la conscience de Krishna] et vous ne mourrez pas. »

SYAMASUNDAR: Existe-t-il quelque expérience qui démontrerait la prévisibilité d’un tel résultat ?

-SRILA PRABHUPADA: Oui. Vous ne possédez peut-être pas cette expérience, mais vos supérieurs l’ont.

âbrahma-bhuvanâl lokâh punar âvartino ’rjuna
mâm upetya tu kaunteya punar janma na vidyate

« Ô fils de Kountî, toutes les planètes de l’Univers, de la plus évoluée à la plus basse, sont des lieux de souffrance où se succèdent la naissance et la mort. Mais il n’est plus de renaissance pour l’âme qui atteint Mon royaume. » (Gîtâ8:16) Si nous allons à Krishna, jamais nous ne reviendrons en cet Univers matériel. Qui pourrait avoir plus d’expérience que Krishna ? Comme Il connaît le passé, le présent et l’avenir, nous aurions avantage à accepter Ses instructions.

SYAMASUNDAR: Dewey recommande qu’on fonde nos jugements sur l’expérience personnelle.

-SRILA PRABHUPADA: Celle-ci peut nous faire défaut, mais nous pouvons prendre conseil d’une personne qui la possède. Une telle expérience vaut tout autant que la nôtre. Vous n’avez peut-être pas visité New York; mais comme d’autres y sont allés et sont revenus grâce aux billets qu’ils avaient achetés, vous pouvez profiter de leur expérience pour acquérir quelque connaissance de cette ville.

SYAMASUNDAR: Dewey avance que la valeur n’existe que là où règne la satisfaction.

-SRILA PRABHUPADA: À moins d’avoir confiance en quelqu’un, comment serait-on satisfait ? Il s’agit de trouver une personne en qui vous pouvez avoir confiance. Qui pourrait exceller Krishna dans ce domaine ?

SYAMASUNDAR: Lorsque certaines conditions sont remplies, la satisfaction se transforme en valeur. Si certains aliments peuvent apaiser ma faim, ils revêtent alors de la valeur.

-SRILA PRABHUPADA: C’est Krishna qui confère cette valeur. Au début de la Bhagavad-Gîtâ , Arjuna refusait de combattre; mais comme il reconnaissait la valeur de Krishna et que sa confiance en Celui-ci le comblait, il fut victorieux.

SYAMASUNDAR: Selon Dewey, les lois morales pourraient servir de directives d’action. Elles seraient comparables aux lois de la physique en autant que si j’agis d’une certaine façon, je peux m’attendre à un certain résultat.

-SRILA PRABHUPADA: Nous recommandons :

âdau sraddhâ tatah sâdhu-sango ’tha bhajana-kriyâ
tato ’nartha-nivrttih syât tato nisthâ rucis tatah
athâsaktis tato bhâvas tatah premâbhyudañcati
sâdhakânâm ayam premnah prâdurbhâve bhavet kramah

« Il faut tout d’abord désirer se réaliser spirituellement, car cela nous incitera à rechercher la compagnie de personnes spirituellement élevées. On doit ensuite se faire initier par un maître spirituel qualifié et, sous sa direction, entamer la pratique du service dévotionnel. Cette pratique nous libérera de tout attachement matériel, nous affermira dans la voie spirituelle et nous amènera tout naturellement à aimer entendre ce qui se rapporte à Dieu, la Personne Absolue, Sri Krishna. De là naîtra un attachement profond pour la conscience de Krishna, attachement qui aura pour fruit le premier degré de l'amour pour Dieu (bhâva). Et on obtiendra la plus haute perfection de la vie lorsqu’on atteindra le pur amour de Dieu (préma). » (Bhakti-rasâmrita-sindhou 1.4.15-16) En abordant successivement ces étapes, on obtiendra les résultats escomptés. Si vous avez la foi et fréquentez les dévots du Seigneur, vous désirerez vivement pratiquer le service de dévotion. Toute appréhension sera alors dissipée et votre foi sera renforcée. À moins de constater le résultat suivant, comment progresser plus avant ? Des directives morales sont également données par Roûpa Goswami :

utsâhân niscayâd dhairyât tat-tat-karma-pravartanât
sanga-tyâgât sato vrtteh sadbhir bhaktih prasidhyati

« Six principes sont favorables à l’accomplissement du service de dévotion pur : 1) l’enthousiasme, 2) la conviction, 3) la patience, 4) l’adhérence aux principes régulateurs [tels l’écoute, le chant et le souvenir des gloires de Krishna (sravanam kîrtanam visnoh smaranam)], 5) le rejet de la compagnie des non-dévots, et 6) le fait de marcher sur les traces des grands âchâryas. Ces principes assurent sans nul doute leur observant de sa réussite totale dans l’exercice du pur service de dévotion. » (Upadesâmrita : 3) Soyons patients, enthousiastes et fermement convaincus. Soyons également francs et directs dans nos rapports et recherchons la compagnie de personnes saintes. Ainsi pourrons-nous progresser.

SYAMASUNDAR: Les résultats s’ensuivront alors de façon aussi prévisible qu’automatique ?

-SRILA PRABHUPADA: Oui, successivement. Le précepteur instruit ses élèves, et lorsque ceux-ci réalisent une instruction, il leur en donne une deuxième, puis une troisième. C’est ainsi que les élèves peuvent progresser. Considérons ces lignes de conduite, dont la première est l’enthousiasme. À moins d’être enthousiaste, comment pourrait-on entreprendre quelque activité ? Il s’agit ensuite d’être patient. Évitons de penser : « Je peine tant, mais sans résultat. » Les résultats viendront avec le temps. Il faut aussi être fermement convaincu qu’ayant emprunté la voie des mahâjans, celle recommandée par Krishna, le succès est imminent. Peu importe d’ailleurs s’il tarde à venir. Ne doutons pas qu’il surviendra définitivement. Accomplissons également nos devoirs prescrits honnêtement et en toute bonne foi. Fréquentons aussi des âmes saintes. Ce sera une source d’impulsion pour nous. En suivant ces directives, le résultat sera aussi certain que prévisible.

SYAMASUNDAR: Dewey croit que les lois morales ne sont pas si absolues et inflexibles qu’elles n’admettent aucune exception.

-SRILA PRABHUPADA: La vraie loi morale est celle du Suprême. Dans la Bhagavad-Gîtâ , Krishna recommande diverses formes de yoga : le dhyâna-yoga, le jñâna-yoga, le hatha-yoga, etc. Il n’en dit pas moins en guise de conclusion : sarva-dharmân parityajya – « Laisse là tous ces dharmas et abandonne-toi à Moi. » (Gîtâ18:66) La parole de Krishna incarne l’ultime moralité. Les Vaishnavas ne considèrent pas ceci ou cela comme moral ou immoral. Tout ce que Krishna ou Son représentant ordonne s’avère moral. Telle est notre position.

SYAMASUNDAR: Dewey avance qu’on accorde de la valeur à ce qu’on doit accomplir.

-SRILA PRABHUPADA: Effectivement. On ne saurait certes dénier la valeur de Krishna. Et comme Arjuna s’inclina devant la décision de Krishna, il fut victorieux, jouit d’un royaume et devint un dévot célèbre. Tels furent les résultats pratiques de ses activités. Parikshit Mahârâj comparait la Bataille de Kurukshetra à un vaste océan dont Bhîshma, Drona et Karna, entre autres, seraient les gros requins. Il importait pour Arjuna, le grand-père de Parikshit, de franchir cet océan, dangereusement infesté de tant de poissons féroces. Quoiqu’il s’agissait certes d’une entreprise très difficile, la grâce de Krishna l’a rendue possible.

yatra yogesvarah krsno yatra pârtho dhanur-dharah
tatra srîr vijayo bhûtir dhruvâ nîtir matir mama

« Là où sont réunis Krishna, le maître de tous les yogîs, et Arjuna, l’archer sublime, là règnent incontestablement l’opulence, la victoire, la puissance formidable et la moralité. Telle est ma pensée. » (Gîtâ18:78)