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SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 1 CHAPITRE 7 Châtiment du fils de Drona.
saunaka uvaca
nirgate narade suta bhagavan badarayanah srutavams tad-abhipretam tatah kim akarod vibhuh
O Suta, qu'a fait le grand et puissant Vyasadeva quand Sri Narada Muni, dont il avait ouï la parole, s'en fut allé?
Le chapitre qui va suivre, et où l'on trouve décrite la manière dont Maharaja Pariksit, encore dans le sein de sa mère, fut miraculeusement sauvé par le Seigneur, marque le début de la narration proprement dite du Srimad-Bhagavatam. Pariksit Maharaja, nous le verrons plus en détail, fut mis en danger de mort par le fils d'Acarya Drona, nommé Drauni, ou Asvatthama. Drauni avait déjà tué, pendant leur sommeil, les cinq fils de Draupadi, acte pour lequel Arjuna l'avait d'ailleurs puni. Notons ici qu'avant de se mettre à rédiger la grande épopée du Srimad-Bhagavatam, Sri Vyasadeva avait pleinement réalisé, à travers le samadhi dévotionnel, la Vérité.
suta uvaca
brahma-nadyam sarasvatyam asramah pascime tate samyaprasa iti prokta rsinam satra-vardhanah
Sur la rive ouest de la Sarasvati, rivière intimement liée aux Vedas, aux brahmanas, aux sadhus et au Seigneur, se trouve un lieu nommé Samyaprasa, qui inspire les sages dans leurs activités spirituelles, et dans ce lieu, un asrama.
Un lieu et une atmosphère favorables s'avèrent tout à fait nécessaires au développement du savoir spirituel. Or, la rive occidentale de la Sarasvati se prête tout spécialement à ce dessein, et c'est là qu'on trouve l'asrama de Vyasadeva, à Samyaprasa. Bien que Srila Vyasadeva fût un grhastha, sa demeure est ici qualifiée d'asrama; c'est que ce nom désigne en fait tout lieu de résidence où l'on accorde la première place au développement de la vie spirituelle, peu importe qu'il appartienne à un grhastha ou à un sannyasi. Par ailleurs, l'institution du varnasrama est ainsi conçue que chacun des statuts de l'homme dans la société y prend le nom d'asrama. Cela signifie que la recherche de la réalisation spirituelle y est commune à tous les hommes, quelle que soit leur condition sociale. Brahmacaris, grhasthas, vanaprasthas et sannyasis, tous ont la même mission: réaliser le Suprême. Par suite, aucun de ces groupes n'offre moins d'avantages que les autres en ce qui a trait au développement du savoir spirituel. On ne les différencie que pour des raisons de forme, selon le degré de renoncement de leurs membres respectifs. Sous ce rapport, toutefois, les sannyasis jouissent d'une estime particulièrement élevée, en raison de leur pratique exemplaire du renoncement.
tasmin sva asrame vyaso
badari-sanda-mandite asino pa upasprsya pranidadhyau manah svayam
Se conformant aux instructions de son maître spirituel Srila Narada Muni, Vyasadeva, en ce lieu de méditation sublime, concentra son mental sur l'Absolu.
bhakti-yogena manasi
samyak pranihite male apasyat purusam purnam mayam ca tad-apasrayam
La vision parfaite de la Vérité Absolue ne s'obtient, comme le confirme d'ailleurs la Bhagavad-gita, qu'à travers la pratique unitive, ou yoga, du service de dévotion; unitive: c'est-à-dire qui permet de s'unir, d'entrer en relation avec l'Absolu. On ne peut réaliser pleinement la Vérité Absolue, le Seigneur Suprême, que par la pratique du service de dévotion, qui représente en outre le plus haut savoir et donne d'atteindre le royaume de Dieu. La réalisation partielle, imparfaite, de l'Absolu que confère l'approche du Brahman impersonnel ou du Paramatma "localisé" ne peut, elle, donner accès au royaume absolu. Ainsi Sri Narada donna-t-il à Sri Vyasadeva le conseil de s'absorber en méditation sublime et absolue sur le Seigneur Suprême et Ses Activités. Si Srila Vyasadeva ne s'attarda pas sur l'éclat du Brahman, c'est que la vision parfaite de l'Absolu se situe au-delà, et que cette vision parfaite, comme l'enseigne la Bhagavad-gita, c'est celle du Seigneur Suprême: vasudevah sarvam iti. Les Upanisads, elles aussi, confirment que Vasudeva, le Seigneur Suprême, est voilé par l'hiranmaya patra, la radiance d'or du Brahman impersonnel, et ce n'est que lorsque ce voile est levé, par la grâce du Seigneur, qu'Il apparaît, Lui l'Absolu, sous Son vrai visage. Notre verset qualifie par ailleurs cet Absolu de purusa, d'Etre personnel. Tous les Ecrits védiques définissent l'Absolu comme le Seigneur Suprême; de même, la Bhagavad-gita affirme qu'Il est le purusa, la Personne originelle et éternelle. Seigneur Suprême et Absolu, Il est aussi l'Etre parfait, maître d'innombrables énergies, parmi lesquelles les énergies interne, externe et marginale prédominent. L'énergie (mayam) dont parle notre verset est sans contredit, le sloka suivant le confirmera par la description de ses influences, l'énergie externe. On compare cette énergie inférieure à l'obscurité; car elle garde les êtres prisonniers des ténèbres de l'ignorance. Le mot apasrayam suggère par ailleurs qu'elle agit sous la complète domination du Seigneur. L'énergie interne, présente où la Personne Suprême est présente -comme le clair de lune qui toujours accompagne l'astre des nuits-, est aussi appelée maya, mais il s'agit cette fois d'une maya, ou énergie, toute spirituelle, déployée dans le royaume absolu. Quiconque se trouve sous la protection de cette puissance interne voit aussitôt se dissiper en lui les ténèbres de l'ignorance matérielle. Et même les atmaramas -les êtres qui sont déjà établis dans un parfait samadhi- cherchent refuge en cette maya, ou énergie interne. Le service de dévotion, ou bhakti-yoga, représente la fonction propre à cette énergie; en lui, donc, nulle place pour l'énergie matérielle, ou l'énergie inférieure, tout comme l'obscurité ne saurait venir là où resplendit la lumière. L'énergie dont nous parlons, toute de félicité, dépasse même la félicité spirituelle qui accompagne la réalisation du Brahman impersonnel. La Bhagavad-gita souligne à ce propos que la radiance du Brahman impersonnel provient également du Seigneur Suprême, Sri Krsna. Ainsi, et les slokas ultérieurs l'expliqueront, le parama purusa ne peut être que Sri Krsna.
yaya sammohito jiva
atmanam tri-gunatmakam paro pi manute nartham tat-krtam cabhipadyate
Ce verset nous fait connaître la cause fondamentale des souffrances de l'être conditionné par la matière, la voie à suivre pour s'en affranchir et la perfection ultime à atteindre. Par nature, l'être distinct échappe à l'emprise de la matière, mais captivé par l'énergie externe, il voit en lui-même un produit de la matière. Par l'effet de ce contact indésirable, l'être vivant, en soi purement spirituel, doit subir l'influence des trois gunas et ainsi connaître les souffrances de ce monde. Or, le fait que l'être distinct puisse se méprendre ainsi sur son identité réelle implique que ses pensées, ses sentiments et sa volonté ont, sous l'emprise de la matière, pris une forme pervertie, non conforme à sa nature. Car l'être distinct possède, dans sa condition originelle, les mêmes pouvoirs -de penser, sentir et vouloir- où ils s'exercent d'ailleurs dans leur forme pure, naturelle; jamais il n'en est privé. Seulement, il arrive que son savoir pur -celui par quoi il exerce ces pouvoirs conformément à sa nature- se trouve, à l'état conditionné, voilé par l'illusion, ce que confirme la Bhagavad-gita. Ainsi la théorie selon laquelle l'être distinct ne ferait qu'Un avec le Brahman impersonnel et absolu se trouve-t-elle ici réfutée. Elle ne saurait tenir, car même à l'état inconditionné, dans son état originel, chacun possède sa propre façon de penser. Le conditionnement présent de l'être n'est dû qu'à l'influence de l'énergie externe illusoire; c'est-à-dire qu'elle exerce d'elle-même cette influence, que le Seigneur Suprême n'est en rien impliqué dans cet acte non souhaitable. Le Seigneur n'a aucun désir de voir les êtres distincts se laisser ainsi jouer par Son énergie externe. Elle-même est très consciente de ce fait, mais accepte néanmoins la tâche ingrate de maintenir par son influence les âmes oublieuses dans l'égarement, qui est le foyer de la peur. Et le Seigneur ne freine en rien Son énergie illusoire dans l'accomplissement de cette tâche, car celle-ci est nécessaire à la réforme des âmes conditionnées. Un père affectueux n'aime pas voir ses enfants punis par d'autres; cependant, lorsqu'ils se montrent insoumis, il n'hésite pas à les placer sous la garde d'un tuteur sévère, dans le seul but de les remettre sur le droit chemin. Mais le père tout-puissant, dans Son amour infini, désire en même temps la délivrance des âmes conditionnées, leur affranchissement des griffes de l'énergie illusoire. Le roi jette ses citoyens rebelles derrière les barreaux, mais parfois, les préférant libres, il se rend en personne à la prison et les implore de se repentir, pour qu'ils puissent être relâchés. De même, le Seigneur Suprême descend de Son royaume dans celui de l'énergie illusoire et y offre personnellement aux âmes conditionnées le remède à tous leurs maux en leur donnant la Bhagavad-gita, où Il enseigne que l'influence de l'énergie illusoire s'avère certes bien difficile à vaincre, mais que quiconque s'abandonne à Ses pieds pareils-au-lotus s'en voit, par Sa volonté suprême, aussitôt affranchi. L'abandon au Seigneur représente donc le moyen de nous libérer des aliénations de l'énergie illusoire. Et pour être complet, il doit être pratiqué dans la compagnie de sadhus. Car, le Seigneur enseigne que c'est par l'influence des paroles pures de ceux qui ont pleinement réalisé l'Absolu que les hommes sont conduits à adopter Son service d'amour sublime. Au contact de telles âmes, l'être conditionné développe un goût pour l'écoute de ce qui a trait au Seigneur, écoute qui suffit à engendrer peu à peu le respect, la dévotion, puis l'attachement pour le Seigneur. Et le tout culmine dans l'abandon de soi à Sa Personne. Or le Seigneur, en tant que l'avatara Vyasadeva, reprend dans ces pages le même enseignement. C'est dire que d'une manière ou d'une autre, Il rappelle constamment à Lui les âmes conditionnées, aussi bien en les plaçant sous le joug sévère de l'énergie externe qu'en les guidant personnellement, de l'intérieur ou de l'extérieur, sous la forme du maître spirituel. En effet, de l'intérieur, sous la forme du Paramatma, l'Ame Suprême présente dans le coeur de chaque être, Il tient le rôle de maître spirituel intime, et de l'extérieur, celui de guide manifeste, sous la forme des Ecritures, des sadhus et du maître spirituel donnant l'initiation. Le sloka suivant expliquera d'ailleurs plus en détail ce sujet. Comme l'enseignent les Vedas, particulièrement la Kena Upanisad, en référence au pouvoir dominateur des devas en ce monde, l'énergie illusoire commande les âmes conditionnées d'une manière tout à fait personnelle; c'est l'idée reprise par le verset qui nous occupe. Bien entendu, l'être conditionné subit la domination de l'énergie externe de diverses façons, mais le Srimad-Bhagavatam affirme clairement dans notre verset que cette même énergie externe occupe une position inférieure par rapport au Seigneur Suprême, à l'Etre parfait. En effet, Celui-ci ne peut même être approché par l'énergie illusoire, dont la domination ne s'exerce que sur les êtres distincts. Par suite, croire que le Seigneur Suprême peut être Lui aussi illusionné par l'énergie externe et ainsi choir à l'état d'être ordinaire, cela relève de la plus pure imagination. Si les êtres distincts et le Seigneur étaient égaux, Vyasadeva l'aurait certes noté, et il ne serait plus question d'êtres conditionnés, sujets à diverses souffrances matérielles, car l'Etre Suprême demeure toujours parfaitement conscient et connaissant. Les monistes voudraient bien, dans leurs élucubrations sans scrupule, ranger le Seigneur dans la même catégorie que les êtres distincts; s'il en était ainsi, Srila Sukadeva Gosvami n'aurait pas pris la peine de décrire les Divertissements sublimes du Seigneur, lesquels ne seraient alors qu'autant de manifestations de l'énergie illusoire. Le Srimad-Bhagavatam représente le remède ultime à tous les maux de l'humanité souffrante, prisonnière des griffes de maya. Srila Vyasadeva commence donc par diagnostiquer le mal réel qui ronge les âmes conditionnées, c'est-à-dire l'illusion où les plonge l'énergie externe. Or, même s'il voyait les âmes "fiévreuses", conditionnées par l'énergie illusoire, de même que la cause de leur mal, il a également pu voir l'Etre Suprême, Lui infiniment loin de cette énergie externe. Quant au remède, il sera donné dans le prochain verset. Sur le plan qualitatif, l'identité du Seigneur Suprême et des êtres distincts ne fait aucun doute, mais le Seigneur demeure le maître de l'énergie illusoire, alors que les êtres distincts peuvent être dominés par elle. Ainsi le Seigneur et les autres êtres sont-ils à la fois identiques et distinct. Le Srimad-Bhagavatam précise d'autre part que la relation éternelle unissant les êtres distincts au Seigneur est spirituelle et absolue; autrement, le Seigneur ne Se soucierait pas d'arracher aux griffes de maya les âmes conditionnées. Quant à elles, raviver leur affection, leur amour naturel pour le Seigneur, tel est leur devoir, car là réside la plus haute perfection. Et cette perfection, le but de l'existence, le Srimad-Bhagavatam leur permet de l'atteindre en leur offrant le remède qui fera cesser leur fièvre matérielle.
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