SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 7

Autres questions de Vidura.

VERSET 16

sadhv etad vyahrtam vidvan
natma-mayayanam hareh
abhaty apartham nirmulam
visva-mulam na yad bahih

TRADUCTION

Tes explications, ô sage érudit, sont excellentes, comme elles se doivent de l'être. Les troubles qui affligent l'âme conditionnée n'ont effectivement d'autre fondement que les mouvements de l'énergie externe du Seigneur.

TENEUR ET PORTEE

Les désirs illicites poussant l'être distinct à ne faire qu'Un à tous égards avec le Seigneur représentent la cause fondamentale de l'entière manifestation matérielle, car sinon le Seigneur n'a aucun besoin de créer une telle manifestation, même pour Ses Divertissements. L'âme conditionnée, sous l'emprise de l'énergie externe du Seigneur, subit vainement nombre de revers dans la vie. Le Seigneur est le maître de l'énergie externe, maya, tandis que l'être conditionné par la matière se trouve dominé par cette même maya. Les vains efforts de l'être distinct pour occuper la position de maître, qui est celle du Seigneur, représente la cause même de son enchaînement à la matière, et l'effort de l'âme conditionnée pour se fondre dans l'existence du Seigneur correspond au dernier piège de maya.

VERSET 17

yas ca mudhatamo loke
yas ca buddheh param gatah
tav ubhau sukham edhete
klisyaty antarito janah

TRADUCTION

Deux sortes d'hommes connaissent le bonheur en ce monde: le plus inconscient des sots et celui qui transcende la plus haute intelligence. Les autres, qui se situent entre les deux, connaissent la souffrance matérielle.

TENEUR ET PORTEE

Le plus inconscient des sots n'entend rien aux souffrances matérielles; il passe sa vie béatement, et ne s'interroge nullement sur les problèmes de l'existence. De tels êtres vivent pratiquement au même niveau que les animaux, lesquels, bien que toujours misérables aux yeux de leurs supérieurs, n'ont pas conscience des souffrances matérielles. La vie d'un porc, par exemple, se déroule selon des normes de "bonheur" plutôt dégradées puisqu'il vit dans un lieu infect, s'accouple à tous moments, et peine pour assurer sa subsistance; mais il ne s'afflige pas de ces maux. De même, les hommes qui n'ont pas conscience des souffrances qui s'attachent à l'existence matérielle et qui trouvent leur bonheur dans la sexualité et un dur labeur, comptent parmi les plus inconscients des sots. Néanmoins, parce qu'ils n'éprouvent aucun sentiment de malheur, on présume qu'ils jouissent d'un certain bonheur. L'autre catégorie d'hommes heureux, ceux qui sont libérés et établis dans leur position spirituelle, au-delà de l'intelligence, connaissent le véritable bonheur, et sont appelés paramahamsas. Par contre, toute personne qui ne ressemble ni au chien ni au porc, et qui ne se trouve pas non plus au niveau du paramahamsa, connaît la souffrance matérielle, et doit donc s'enquérir de la Vérité suprême. Pour reprendre les mots du Vedanta-sutra, athato brahma-jijnasa: "Il faut maintenant s'enquérir du Brahman." Une telle recherche est nécessaire pour ceux qui se situent quelque part entre les paramahamsas et les insensés qui ont perdu de vue la réalisation spirituelle, pour s'être voués à la recherche du plaisir des sens.

VERSET 18

arthabhavam viniscitya
pratitasyapi natmanah
tam capi yusmac-carana-
sevayaham paranude

TRADUCTION

Je te suis obligé, cher maître, de m'avoir permis de comprendre que la manifestation matérielle, pourtant d'apparence réelle, ne possède aucune substance. Et je ne doute pas qu'en servant tes pieds, il me sera possible d'abandonner toute conception erronée.

TENEUR ET PORTEE

Les souffrances de l'âme conditionnée ne sont que superficielles; elles n'ont pas de réalité intrinsèque, pas plus que le fait de se faire trancher la tête dans un rêve. Cependant, bien qu'il s'agisse là d'une vérité à caractère absolu sur le plan théorique, elle n'est que très difficilement réalisée dans la pratique par l'homme du commun ou par le spiritualiste néophyte. Mais il n'en reste pas moins qu'en servant les pieds des spiritualistes accomplis, comme Maitreya Muni, et en vivant constamment en leur compagnie, on obtient de pouvoir abandonner la conception erronée selon laquelle l'âme souffre des maux infligés par la matière.

VERSET 19

yat-sevaya bhagavatah
kuta-sthasya madhu-dvisah
rati-raso bhavet tivrah
padayor vyasanardanah

TRADUCTION

En servant les pieds du maître spirituel, on gagne de goûter l'extase spirituelle au service du Seigneur Suprême, Lui l'immuable vainqueur du monstre Madhu, dont le service fait disparaître toute souffrance matérielle.

TENEUR ET PORTEE

La compagnie d'un maître spirituel authentique comme le sage Maitreya peut s'avérer être une nécessité absolue lorsqu'il s'agit de développer un attachement purement spirituel pour le service direct du Seigneur. Celui-ci est connu comme le vainqueur du monstre Madhu, ou en d'autres mots, Celui qui réduit à néant les souffrances de Ses purs dévots. Arrêtons-nous ici sur les mots rati-rasah. Le service de dévotion peut être animé de divers sentiments spirituels, correspondant aux différentes relations qui unissent le Seigneur aux êtres distincts et qu'on qualifie de neutre, d'active, d'amicale, de parentale et d'amoureuse. L'être établi dans la pratique du service spirituel offert au Seigneur à l'état libéré s'attache à l'un ou l'autre de ces sentiments, et cette absorption dans le service d'amour absolu du Seigneur a pour effet d'aussitôt réduire à néant tout attachement qu'il puisse avoir pour quelque service en ce monde. Ce que corrobore la Bhagavad-gita (II.59): rasa-varjam raso py asya param drstva nivartate.(1)

(1) "Que l'âme goûte une joie supérieure, et elle perdra tout désir de jouir des plaisirs matériels, pour demeurer dans la conscience spirituelle."

VERSET 20

durapa hy alpa-tapasah
seva vaikuntha-vartmasu
yatropagiyate nityam
deva-devo janardanah

TRADUCTION

Les êtres pauvres en austérité ne peuvent guère obtenir de servir les purs bhaktas qui progressent sur la voie du retour au royaume de Dieu, Vaikuntha, en s'absorbant tout entiers dans la glorification du Seigneur Suprême, le maître des devas et de tous les autres êtres.

TENEUR ET PORTEE

Selon la recommandation de toutes les autorités en la matière, la libération s'atteint par le service des nobles spiritualistes, les mahatmas. La Bhagavad-gita précise à ce sujet que les mahatmas sont les purs bhaktas qui suivent la voie menant à Vaikuntha, le royaume de Dieu, et qui s'absorbent dans l'écoute et le chant constants des gloires du Seigneur plutôt qu'en de stériles et arides débats philosophiques. Ce principe -bénéficier de la conpagnie de mahatmas- a été recommandé depuis des temps immémoriaux, mais dans l'âge de discorde et d'hypocrisie où nous vivons, Sri Caitanya Mahaprabhu, qui n'est autre que le Seigneur, le préconise encore plus fortement. Car même sans posséder aucun des mérites que confère l'austérité, celui qui cherche tout de même refuge auprès de mahatmas absorbés dans le chant et l'écoute des gloires du Seigneur, est assuré de progresser sur la voie du retour à Dieu, en sa demeure originelle.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare