SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 4 CHAPITRE 11 Svayambhuva Manu
apaise Dhruva Maharaja.
esa bhutani bhutatma
bhuteso bhuta-bhavanah sva-saktya mayaya yuktah srjaty atti ca pati ca
Il existe deux sortes d'énergies correspondant à deux créations différentes. Le Seigneur crée en ce monde matériel au moyen de Son énergie matérielle, externe, tandis que le monde spirituel représente une manifestation de Son énergie interne. Le Seigneur est toujours étroitement lié à Son énergie interne, mais Il demeure à jamais indépendant de l'énergie matérielle. Aussi enseigne-t-Il dans la Bhagavad-gita (IX.4), mat-sthani sarve-bhutani na caham resv avasthitah: l'existence de tous les êtres repose sur Moi, ou sur Mon énergie, mais Je ne suis pas partout. Le Seigneur demeure en personne et pour l'éternité dans le monde spirituel; lorsqu'Il apparaît en ce monde matériel, on doit comprendre que l'endroit où Il Se trouve personnellement présent est également le monde spirituel. Ainsi, puisque le Seigneur reçoit dans les temples l'adoration de Ses purs dévots, il est clair que ces lieux participent du monde spirituel.
tam eva mrtyum amrtam tata daivam
sarvatmanopehi jagat-parayanam yasmai balim visva-srjo haranti gavo yatha vai nasi dama-yantritah
On dit que l'être distinct est atteint de la maladie matérielle lorsqu'il se déclare indépendant du maître suprême. En effet, l'existence matérielle commence avec l'oubli du maître suprême et avec le désir de dominer la nature matérielle. Chacun, en ce monde, s'évertue à devenir le maître suprême, que ce soit sur le plan individuel, national, social, etc. Le grand-père de Dhruva Maharaja s'inquiétait de ce que celui-ci cherchait à satisfaire une ambition personnelle en voulant anéantir toute la race des Yaksas; aussi lui recommanda-t-il donc de cesser le combat. Dans ce verset, Svayambhuva Manu s'efforce de faire disparaître chez Dhruva la dernière trace de vaine ambition, en lui expliquant la position du maître suprême. A cet égard, les mots mrtyum amrtam, signifiant "la mort et l'immortalité", revêtent une importance particulière. Le Seigneur dit en effet dans la Bhagavad-gita: "Je suis la mort ultime, qui ravit tout aux êtres démoniaques." Les asuras sont continuellement plongés dans une lutte pour l'existence, car ils veulent régner en maîtres sur la nature matérielle. Ils trouvent la mort de façon répétée et créent un réseau inextricable qui les garde prisonniers de ce monde matériel. Le Seigneur représente la mort pour les asuras, mais pour Ses dévots, Il est la vie éternelle, ou amrta. Les bhaktas qui s'emploient sans cesse à Le servir ont déjà atteint l'immortalité car, quelle que soit leur activité en cette vie, ils la poursuivront dans la suivante: ils n'auront qu'à changer leur corps matériel pour un corps spirituel. Contrairement aux asuras, les bhaktas n'ont plus à revêtir de nouveaux corps matériels. Ainsi, le Seigneur représente simultanément la mort et l'immortalité. Il est la mort pour les asuras et l'immortalité pour les bhaktas; pour tous Il représente le but ultime, car Il est la Cause de toutes les causes. Il fut conseillé à Dhruva Maharaja de s'abandonner à Lui à tous égards, sans garder la moindre ambition personnelle. Quant à la question de savoir pourquoi certains vouent un culte aux devas, ce verset répond que ces derniers reçoivent l'adoration des êtres de moindre intelligence puisque c'est, en fin de compte, pour la satisfaction de Dieu, la Personne Suprême, qu'ils acceptent eux-mêmes les sacrifices.
yah panca-varso jananim tvam vihaya
matuh sapatnya vacasa bhinna-marma vanam gatas tapasa pratyag-aksam aradhya lebhe murdhni padam tri-lokyah
Manu était très fier d'avoir Dhruva Maharaja comme descendant car, à l'âge de cinq ans seulement, Dhruva entreprit de méditer sur Dieu, la Personne Suprême, et en six mois il fut en mesure de voir le Seigneur en personne. Le fait est que Dhruva Maharaja fait la gloire de la dynastie de Manu, c'est-à-dire de toute la famille humaine, puisque celle-ci tire son origine de Manu. En sanskrit, le mot homme se dit manusya, ce qui signifie "descendant de Manu". Ainsi, Dhruva Maharaja est non seulement la gloire de la famille de Svayambhuva Manu, mais également celle de l'humanité entière. Puisqu'il s'était déjà abandonné au Seigneur Suprême, il lui fut expressément demandé de ne se livrer à aucun acte qui soit indigne d'une âme soumise.
tam enam angatmani mukta-vigrahe
vyapasritam nirgunam ekam aksaram atmanam anviccha vimuktam atma-drg yasminn idam bhedam asat pratiyate
Selon son niveau de réalisation spirituelle, l'homme aura trois façons différentes de voir les êtres. Celui qui a une conception corporelle de l'existence établira des différences entre les êtres en fonction de leur corps. L'âme distincte revêt effectivement des formes matérielles nombreuses et variées, mais en dépit de tous ses changements de corps, elle demeure éternelle. Ainsi, pour celui dont la vision correspond à une conception de l'existence fondée sur le corps, les êtres apparaîtront différents les uns des autres. Manu voulait donc que Dhruva Maharaja modifie sa façon de considérer les Yaksas, puisqu'il les estimait différents de lui, ou comme ses ennemis. A vrai dire, nul n'est un ami ou un ennemi. Chacun, de par la loi du karma, transmigre dans différents corps; mais dès que l'homme prend conscience de son identité spirituelle, il ne fait plus de distinction en fonction de cette loi. En d'autres termes, c'est ce qu'établit la Bhagavad-gita (XVIII.54) dans le verset suivant:
tvam pratyag-atmani tada bhagavaty ananta
ananda-matra upapanna-samasta-saktau bhaktim vidhaya paramam sanakair avidya- granthim vibhetsyasi mamaham iti prarudham
Dhruva Maharaja était déjà un être libéré, puisqu'à l'âge de cinq ans il avait déjà vu Dieu, la Personne Suprême. Néanmoins, il se trouvait momentanément affecté par l'énergie d'illusion (maya) et, sous l'emprise d'une conception corporelle de l'existence, il se considérait comme le frère d'Uttama. Les notions de "je" et de "mien" représentent la force motrice du monde matériel dans son ensemble. Et c'est là l'origine de l'attirance que les êtres éprouvent pour la matière; or, quiconque tombe sous le charme de ces conceptions illusoires primordiales —"je" et "mien"— devra demeurer en ce monde matériel, dans des conditions parfois prestigieuses et parfois sordides. Par la grâce de Sri Krsna, Manu et les sages rappelèrent à Dhruva Maharaja qu'il ne devait pas persévérer dans cette conception matérielle du "je" et "mien", et qu'à lui seul, le service de dévotion offert au Seigneur pouvait aisément venir à bout de son illusion.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |