SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 4 CHAPITRE 12 Dhruva Maharaja retourne
au monde spirituel.
sarvatmany acyute sarve
tivraugham bhaktim udvahan dadarsatmani bhutesu tam evavasthitam vibhum
Non seulement Dhruva Maharaja parvint à offrir de nombreux sacrifices, mais il sut également poursuivre ses occupations spirituelles dans le cadre du service de dévotion qu'il offrait au Seigneur. Les karmis, qui désire jouir des fruits de leurs actes, n'ont d'intérêt que pour les sacrifices et les cérémonies rituelles prescrites dans les sastras védiques. Or, bien que Dhruva Maharaja s'acquittât de nombreux sacrifices afin d'être un roi exemplaire, il était constamment occupé à servir le Seigneur. Celui-ci protège toujours un bhakta qui s'abandonne à Lui. Le bhakta peut comprendre que le Seigneur habite le coeur de chaque être, comme l'affirme la Bhagavad-gita — isvarah sarva-bhutanam hrd-dese rjuna tisthati. Les hommes du commun ne peuvent comprendre qu'Il habite ainsi le coeur de chaque être, mais le bhakta, lui, Le voit bel et bien. Non seulement il Le voit à l'extérieur, mais il se rend compte, en plus, de par sa vision spirituelle, que toute chose repose en Dieu, la Personne Suprême, comme le décrit la Bhagavad-gita —mat-sthani sarva-bhutani. Telle est la vision d'un maha-bhagavata. Il voit tout ce que les autres sont à même de voir, mais, lorsque son regard se porte su les arbres, les montagnes, les villes ou le ciel, il ne perçoit en toute chose que la Personne Suprême, le Seigneur de son coeur, car c'est en Lui seul que tout repose. Voilà donc quelle est la vision du maha-bhagavata. En résumé, le maha-bhagavata, le pur bhakta hautement évolué, voit le Seigneur en tout lieu ainsi que dans le coeur de chaque être. Ce niveau de réalisation est accessible aux bhaktas qui ont atteint un haut niveau dans le service de dévotion rendu au Seigneur. La Brahma-samhita (5.38) précise à ce propos, premanjana-cchurita-bhakti-vilocanena: seuls ceux dont les yeux sont oints du baume de l'amour pour Dieu peuvent contempler en tous lieux le Seigneur Suprême, ce à quoi ne saurait conduire l'imagination ou une prétendue méditation.
tam evam sila-sampannam
brahmanyam dina-vatsalam goptaram dharma-setunam menire pitaram prajah
De par ses qualités personnelles, telles qu'elles sont décrites dans ce verset, Dhruva Maharaja constitue l'exemple parfait d'un roi saint. Et si un roi se doit de posséder toutes ces qualités divines, il doit en être de même des dirigeants qui se trouvent aujourd'hui à la tête d'un Etat démocratique ou impersonnel. C'est ainsi que les citoyens peuvent connaître le bonheur. Il est clairement mentionné dans ce verset que les citoyens considéraient Dhruva Maharaja comme leur père; tout comme un enfant est pleinement satisfait lorsqu'il demeure sous la dépendance d'un père digne de ce nom, les citoyens jouissant de la protection de l'Etat ou du roi doivent avoir tous leurs besoins comblés. Aujourd'hui toutefois, le gouvernement ne leur offre pas même la garantie du minimum, soit la protection de leur vie et de leurs biens. Il convient ici de noter un point important, suggéré par le mot brahmanyam. En effet, Dhruva Maharaja se montrait très dévoué envers les brahmanas; du fait qu'ils se consacrent à l'étude des Vedas, les brahmanas connaissent Dieu, la Personne Suprême, et ils s'emploient constamment à répandre la conscience de Krsna. Aussi l'Etat doit-il traiter avec beaucoup d'égards les mouvements qui propagent la conscience de Dieu de par le monde; malheureusement, ces mouvements ne reçoivent aujourd'hui aucun soutien des gouvernements. Quant aux qualités, il est très difficile d'en trouver chez les hommes d'Etat. Les dirigeants jouissent tranquillement de leur position, et rejettent toutes les requêtes des citoyens, comme s'ils étaient payés pour cela. Notons également le mot dina-vatsalam, lui aussi riche de sens. En effet, ceux qui se trouvent à la tête de la nation doivent être très bienveillants envers les innocents. Aujourd'hui malheureusement, les hommes du gouvernement et les présidents se font verser de hauts salaires par l'Etat, et bien qu'ils laissent massacrer d'innocents animaux dans les abattoirs dont ils permettent l'exploitation, ils affectent d'être des hommes d'une grande piété. Nous pouvons ainsi voir clairement qu'aucune comparaison n'est possible entre les qualités divines de Dhruva Maharaja et les traits qui caractérisent les hommes d'Etat de notre ère. Comme le montreront les versets suivants, le règne de Dhruva Maharaja s'inscrivit dans le satya-yuga, et il incarne le roi idéal. Nous avons vu qu'en cet âge de Kali, compte tenu de l'absence totale de qualités divines chez les dirigeants, les hommes n'ont d'autre alternative que de se tourner vers la Conscience de Krsna pour que soient ainsi protégés leur vie, leurs biens et la religion.
sat-trimsad-varsa-sahasram
sasasa ksiti-mandalam bhogaih punya-ksayam kurvann abhogair asubha-ksayam
Si Dhruva Maharaja régna pendant trente-six mille ans sur notre planète, c'est qu'il vécut lors du satya-yuga, puisque au cours de cet âge les hommes vivaient jusqu'à cent mille ans. La longévité humaine passa ensuite à dix mille ans dans le trera-yuga, puis à mille ans dans le dvapara-yuga, pour finalement se réduire à une centaine d'années au maximum dans le kali-yuga, l'ère où nous vivons. De plus, le changement successif de yugas s'accompagne d'une diminution de la mémoire, de la bienveillance ainsi que de toutes les autres qualités. Il existe deux sortes d'activités: pieuses et impies. Par l'accomplissement d'actes vertueux, l'homme obtient de pouvoir connaître des plaisirs matériels élevés, alors que les actes impies le condamnent à endurer de terribles souffrances. Cependant, un dévot du Seigneur n'éprouve pas d'intérêt pour les plaisirs matériels; de même, les souffrances ne l'affectent pas. Lorsqu'il lui est donné de vivre dans la prospérité, il sait qu'il consomme par là les fruits de ses actes vertueux, et lorsqu'il connaît la détresse, il sait que les conséquences de ses actes impies s'en trouvent d'autant diminuées. Un dévot du Seigneur ne se préoccupe pas des plaisirs ou des souffrances matériels; il n'a d'autres désirs que de pratiquer le service de dévotion. Le Srimad-Bhagavatam stipule d'ailleurs que le service de dévotion se doit d'être apratihata: ni les joies ni les peines matérielles ne sauraient lui faire obstacle. Les bhaktas se plient à certains principes d'austérité: ils observent le jeûne d'ekadasi, ainsi que d'autres jeûnes marquant des fêtes particulières. Ils renoncent à la vie sexuelle illicite, aux excitants et aux substances toxiques, au jeu et à la consommation de chair animale. C'est ainsi qu'ils se purifient des conséquences des fautes qu'ils ont pu commettre au cours de leurs vies passées. Du fait qu'ils se vouent au service de dévotion —l'activité la plus vertueuse qui soit—, ils jouissent de l'existence sans avoir à se préoccuper d'autre chose que de servir le Seigneur.
evam bahu-savam kalam
mahatmavicalendriyah tri-vargaupayikam nitva putrayadan nrpasanam
C'est par l'observance des principes religieux que l'homme peut accéder de façon opportune à la perfection de l'existence matérielle. Cette voie le conduit naturellement à une amélioration de sa situation économique, grâce à laquelle il peut alors sans mal combler tous ses désirs matériels. Du fait qu'il était roi, Dhruva Maharaja se devait de maintenir son statu quo, faute de quoi il ne lui aurait pas été possible de gouverner son royaume, et il s'acquitta parfaitement de cette tâche. Toutefois, dès qu'il vit que son fils était en âge d'occuper le trône royal, il lui en confia aussitôt la responsabilité, et lui-même se dégagea de toutes ses obligations matérielles. Dans ce verset remarquons le mot avicalendriyah, indiquant que Dhruva Maharaja n'était pas troublé par les demandes de ses sens et que ces derniers ne perdaient pas de leur puissance bien qu'il fût d'un âge très avancé. Le fait qu'il régna sur le monde pendant trente-six mille ans conduit tout naturellement à penser qu'il fut profondément marqué par la vieillesse. Or, ses sens gardèrent en fait toute leur jeunesse, et malgré cela, il n'éprouva pas d'intérêt pour les plaisirs de ce monde. En d'autres termes, il fit preuve d'une parfaite maîtrise de lui-même, tout en accomplissant ses devoirs à la perfection, conformément aux voies de l'existence matérielle. C'est ainsi que se conduisent les grands dévots du Seigneur. Srila Raghunatha Dasa Gosvami, par exemple, l'un des disciples directs de Sri Caitanya, était le fils d'un homme très riche, et bien qu'il n'éprouvât pas la moindre attirance pour le bonheur matériel, il s'acquitta parfaitement de ses fonctions, aussi longtemps qui fut attaché au service de l'Etat. Srila Gaurasundara lui avait en effet recommandé: "Intérieurement, tu dois te sentir complètement détaché de toutes ces activités, mais extérieurement, agis comme te le recommandent les devoirs matériels." Comme l'enseigne la Bhagavad-gita, seuls les dévots du Seigneur peuvent accéder à cette position transcendante; au lieu d'essayer de dominer leurs sens par la force —comme le font les yogis—, les bhaktas se livrent à des activités supérieures, spirituelles et absolues. Ainsi, bien qu'étant en pleine possession de leurs pouvoirs sensoriels, ils ne se servent pas de leurs sens pour des actes matériels, car ils se livrent à des activités spirituelles, plus élevées.
manyamana idam visvam
maya-racitam atmani avidya-racita-svapna gandharva-nagaropamam
Il arrive parfois qu'au plus profond des bois on voit des palais féeriques ou des villes merveilleuses; de tels fantasmes sont dénommés gandharva-nagaras. Au cours de nos rêves également, il nous arrive de voir toutes sortes de phénomènes illusoires issus de notre imagination. L'être ayant réalisé son identité spirituelle, le dévot du Seigneur, sait pertinemment que cette manifestation cosmique matérielle n'est qu'une représentation illusoire, éphémère, bien qu'elle semble réelle. Mais, derrière cette ombre de création semblable à une fantasmagorie, se trouve la réalité —le monde spirituel; c'est ce monde spirituel qui fascine le bhakta, et non son ombre. Ayant pris conscience de la Vérité suprême, le bhakta n'est pas intéressé par cette ombre éphémère de la vérité. C'est là ce que confirme la Bhagavad-gita: param drstva nivartate.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |