SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 4
CHAPITRE 12

Dhruva Maharaja retourne
au monde spirituel.

VERSET 16

atma-stry-apatya-suhrdo balam rddha-kosam
antah-puram parivihara-bhuvas ca ramyah
bhu-mandalam jaladhi-mekhalam akalayya
kalopasrstam iti sa prayayau visalam

TRADUCTION

Finalement, Dhruva Maharaja quitta son royaume, lequel s'étendait par toute la terre et avait pour frontières les grands océans. Considérant son corps, ses épouses, ses enfants, ses amis, son armée, son énorme fortune, ses palais confortables et ses nombreux lieux de plaisance comme des créations de l'énergie illusoire, il se retira, le moment venu, à Badarikasrama, une forêt himalayenne.

TENEUR ET PORTEE

Lorsque Dhruva Maharaja, encore enfant, gagna la forêt à la recherche de Dieu, la Personne Suprême, il réalisa que toutes les conceptions corporelles du plaisir ne sont que des produits de l'énergie illusoire. Au tout début, certes, il convoitait le royaume de son père, et c'est afin de l'obtenir qu'il se mit en quête du Seigneur Suprême. Plus tard, cependant, il réalisa que toute chose en ce monde n'est que la création de l'énergie illusoire. L'histoire de Srila Dhruva Maharaja nous permet de comprendre que si, d'une façon ou d'une autre, nous devenons conscient de Krsna —peu importent nos motivations initiales—, nous finirons par réaliser la Vérité telle qu'elle est, par la grâce du Seigneur. Bien qu'au début, Dhruva Maharaja eût aspiré au royaume de son père, il devint par la suite un grand dévot du Seigneur —un maha-bhagavata— et perdit tout intérêt pour les plaisirs matériels. Il n'est donné qu'aux seuls bhaktas d'accéder à la perfection de l'existence. Quant à celui qui n'effectue que les premiers pas sur la voie du service de dévotion et qui, sans encore être mûr, choit de sa position, il est néanmoins supérieur à l'homme qui se consacre entièrement aux actes intéressés de ce monde.

VERSET 17

tasyam visuddha-karanah siva-var vigahya
baddhvasanam jita-marun manasahrtaksah
sthule dadhara bhagavat-pratirupa etad
dhyayams tad avyavahito vyasrjat samadhau

TRADUCTION

A Badarikasrama, Dhruva Maharaja parvint à une totale purification de ses sens en se baignant régulièrement dans des eaux pures et limpides comme le cristal. Il s'établit fermement dans la position assise et, par la pratique du yoga, maîtrisa sa respiration et son air vital. Ayant ainsi complètement détaché ses sens de leurs objets, il concentra son mental sur la forme arca-vigraha du Seigneur, qui n'est pas différente de Lui, et grâce à cette méditation, il parvint au samadhi.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset nous donne une description de l'astanga-yoga. Dhruva Maharaja était déjà familiarisé avec cette voie, qui n'a d'ailleurs jamais été conçue pour être pratiquée dans une ville à la mode. Il se rendit à Badarikasrama, et ce fut là, dans un lieu retiré, solitaire, qu'il se livra à la pratique du yoga. Il concentra ses pensées sur l'arca-vigraha, la murti offerte à l'adoration du bhakta et qui est parfaitement identique au Seigneur Suprême. Alors qu'il pensait constamment à cette murti, il entra en samadhi. Notons ici que l'adoration de l'arca-vigraha n'a rien d'une idolâtrie. L'arca-vigraha est une manifestation du Seigneur qui apparaît sous une forme que le bhakta peut percevoir. C'est pourquoi, dans les temples, les bhaktas servent le Seigneur sous Sa Forme d'arca-vigraha, laquelle peut être constituée de différents matériaux (sthulas), tels que la pierre, le métal, le bois, les pierres précieuses ou la peinture. Ces éléments que l'on utilise pour matérialiser la Forme du Seigneur sont dits "sthulas". Etant donné que les bhaktas observent les règles du culte, la Forme matérialisée du Seigneur n'est pas différente de Sa Forme spirituelle, originelle. Le bhakta peut ainsi s'absorber constamment dans la pensée du Seigneur, ce qui constitue précisément le but ultime de l'existence. Cette méditation constante sur le Seigneur, telle que la recommande la Bhagavad-gita, fait du bhakta le plus élevé d'entre les yogis.

VERSET 18

bhaktim harau bhagavati pravahann ajasram
ananda-baspa-kalaya muhur ardyamanah
viklidyamana-hrdayah pulakacitango
natmanam asmarad asav iti mukta-lingah

TRADUCTION

Sous l'effet de cette félicité spirituelle et absolue, un flot de larme, ininterrompu jaillit de ses yeux et son coeur fondit; il fut pris de frémissements et les poils de son corps se dressèrent. Ainsi transporté d'extase par le service de dévotion, Dhruva Maharaja en oublia complètement son existence corporelle, et fut aussitôt libéré de l'emprise de la matière.

TENEUR ET PORTEE

Différents symptômes peuvent apparaître sur le corps du bhakta qui se livre constamment à l'une des neuf pratiques du service de dévotion —l'écoute, le chant, le souvenir, l'adoration de la murti, etc. Il existe huit transformations corporelles, dénommées asta-sattvika-vikara; elles indiquent que le bhakta chez qui elles se manifestent est déjà libéré intérieurement. Un dévot du Seigneur qui n'est plus du tout conscient de son existence corporelle doit être considéré comme libéré; il n'est plus emprisonné dans son corps. On donne à ce propos l'exemple d'une noix de coco complètement desséchée, dont la pulpe est séparée de la coque intérieure et de l'écorce extérieure. En agitant cette noix de coco sèche, on peut se rendre compte, au bruit, que la pulpe n'est plus attachée à l'ensemble formé par l'écorce et la coque. De même, celui qui demeure pleinement absorbé dans le service de dévotion offert au Seigneur, se trouve entièrement dissocié des deux enveloppes matérielles que représentent le corps subtil et le corps grossier. Ce fut précisément le niveau d'existence auquel parvint Dhruva Maharaja par la pratique constante du service de dévotion. Notons à ce propos qu'il était déjà décrit en tant que maha-bhagavata, car à moins de devenir un maha-bhagavata —c'est-à-dire un pur bhakta de premier ordre—, aucun de ces symptômes ne peut apparaître. Ils furent effectivement manifestés par Sri Caitanya ainsi que par Thakura Haridasa et nombre de purs dévots du Seigneur. Ces manifestations ne doivent donc pas être imitées; elles apparaissent lorsqu'un bhakta atteint réellement un haut niveau d'avancement spirituel. Il faut comprendre qu'il est alors libéré des chaînes de la matière. A vrai dire, la voie de la libération s'ouvre dès l'instant où l'on commence à servir le Seigneur, tout comme une noix de coco commence à se dessécher dès qu'elle est cueillie; ce n'est plus alors qu'une question de temps pour que l'écorce et la pulpe se séparent l'une de l'autre.

Arrêtons-nous, dans ce verset, sur le mot mukta-lingah, qui est particulièrement important. Mukta signifie "libéré", et linga signifie "corps subtil". Lorsqu'un homme meurt, il quitte son corps grossier, mais le corps subtil —que forment le mental, l'intelligence et le faux ego—, le conduit alors vers un nouveau corps. Au cours de son existence, ce même corps subtil le fait passer d'une âge à un autre —par exemple, de l'enfance à l'adolescence— suivant l'évolution du mental. Ainsi le mental d'un bébé sera différent de celui d'un enfant, et de même, celui d'un adolescent de celui d'un vieillard. Ce sera donc par l'intermédiaire du corps subtil que s'effectuera le changement de corps à l'instant de la mort. Le mental, l'intelligence et l'ego transportent l'âme d'un corps grossier à un autre. Ainsi s'explique la transmigration de l'âme. Il existe toutefois une autre étape, celle où l'être distinct est libéré même de son corps subtil; il est alors fin prêt et apte à retourner dans le monde spirituel, le royaume de la transcendance.

La description des symptômes corporels de Sri Dhruva Maharaja montre clairement que ce dernier était alors parfaitement digne d'être élevé au monde spirituel. On peut faire chaque jour l'expérience de la différence qui existe entre le corps subtil et le corps grossier. En effet, au cours du rêve, le corps grossier repose allongé, alors que le corps subtil emmène l'âme, l'être distinct, dans un autre monde. Mais, parce que le corps grossier doit être maintenu en vie, le corps subtil revient s'y établir. Il faut donc également se libérer du corps subtil, et c'est cet état libéré qui correspond au mukta-linga.

VERSET 19

sa dadarsa vimanagryam
nabhaso vatarad dhruvah
vibhrajayad dasa diso
rakapatim ivoditam

TRADUCTION

Dès que les symptômes de sa libération furent manifestes, il vit descendre du ciel un aéronef d'une beauté indicible; on aurait dit que la pleine lune venait à lui, illuminant de ses rayons les dix directions.

TENEUR ET PORTEE

On distingue différents niveaux de connaissance acquise. Elle peut être directe ou reçue d'autorité, ou encore transcendante; il existe également la connaissance inaccessible aux sens, et finalement la connaissance spirituelle. Celui qui dépasse le stade de la connaissance acquise par voie descendante parvient aussitôt au niveau spirituel. Dhruva Maharaja, étant libéré du concept matériel de l'existence, avait atteint le niveau du savoir spirituel et absolu; ce fut ainsi qu'il put percevoir la présence d'un aéronef immatériel qui brillait avec l'éclat de la pleine lune. L'acquisition de la connaissance par voie directe ou indirecte ne permet pas de voir ce niveau de réalité. Cette connaissance résulte d'une faveur spéciale accordée par Dieu, la Personne Suprême, mais on peut néanmoins atteindre ce niveau de savoir en s'élevant graduellement sur la voie du service de dévotion, ou de la Conscience de Krsna.

VERSET 20

tatranu deva-pravarau catur-bhujau
syamau kisorav arunambujeksanau
sthitav avastabhya gadam suvasasau
kirita-harangada-caru-kundalau

TRADUCTION

Dhruva Maharaja vit dans cet aéronef deux fidèles serviteurs de Sri Visnu, des êtres merveilleux. Ils paraissaient très jeunes, avec des yeux pareils à des lotus aux reflets pourprés, et leur corps, pourvu de quatre bras, avait une teinte foncée. Ils tenaient des masses, leurs vêtements avaient un charme exceptionnel et ils étaient parés de couronnes, de colliers, de bracelets et de pendants d'oreilles.

TENEUR ET PORTEE

Les habitants de Visnuloka ont la même apparence que Sri Visnu, et ils tiennent, eux aussi, une masse, une conque, un lotus et un disque. Ce verset précise qu'ils avaient quatre bras et qu'ils étaient vêtus de façon très attrayante; quant aux ornements de leur corps, d'après leur description, ils correspondent exactement à ceux de Sri Visnu. Ainsi les deux personnages extraordinaires qui descendirent de l'aéronef venaient-ils directement de Visnuloka, la planète où demeure Sri Visnu.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare