LE GOUT SUBLIME

Le vrai coût de la viande

Perspective économique.

"Sur un hectare de bonne terre consacrée à l'élevage, on entretiendra, au maximum, quatre grands bovins. De quoi tirer, au bout de 18 mois, quatre carcasses de 300 kg dont on obtiendra 200 kg de viande, soit au total, 480 kg de viande par hectare et par an. Sur le même hectare en un an, on aurait pu produire plus de 5 tonnes de lait, ce qui aurait été mieux. On aurait pu également y faire pousser 50 quintaux de blé soit, au taux d'extraction de 70%, 3500 kg de farine. 480 kg de viande contre 3500 kg de farine, les chiffres se passent de commentaires!"

Danièle Starenkyj, Le bonheur du végétarisme.

La solution au problème de la faim

Selon les informations compilées par le ministère de l'Agriculture des Etats-Unis, plus de 90% de tout le grain produit en Amérique sert à nourrir le bétail -les vaches, les porcs, les agneaux et les poulets- qui se retrouve sur la table de nos salles à manger. Pourtant, le procédé qui consiste à utiliser le grain en vue de produire de la viande est très coûteux. Voici un exemple: le département de recherches économiques du ministère de l'Agriculture des Etats-Unis a calculé que seize livres de grain nous donnent une seule livre de boeuf.

Lors d'une entrevue télévisée, France Moore Lappé, experte en alimentation et auteur du best-seller Diet for a Small Planet, compare un steak à une Cadillac. "Tout comme la Cadillac est une grande dévoreuse d'essence, commente-t-elle, se nourrir de viande implique une très forte consommation de grains."

Dans son livre intitulé Proteins: Their Chemistry and polities, le docteur Aaron Altshul constate qu'en termes de calories par acre, un régime composé de céréales, de légumes et de fèves ferait vivre vingt fois plus de personnes qu'un régime carné. A l'heure actuelle, la moitié environ des récoltes en Amérique sert à nourrir les animaux. Si les sols cultivables de la Terre étaient principalement utilisés pour la production d'aliments végétaux, notre planète pourrait aisément subvenir aux besoins d'une population de plus de vingt milliards d'êtres humains!

De telles données ont amené les experts en alimentation à souligner que le problème de la faim dans le monde n'est, dans une large mesure, que chimères. A l'heure actuelle, nous produisons assez de nourriture pour subvenir aux besoins de tous les habitants de la planète; hélas, la distribution de ces vivres laisse beaucoup à désirer. Dans un rapport soumis au Congrès mondial des Nations unies sur l'alimentation (Rome, 1974), René Dumont - économiste agronome de l'Institut national de l'Agriculture de France - exprima cet avis. "La surconsommation de viande par les riches engendre la famine chez les pauvres. Cette forme peu rentable d'agriculture doit changer - en supprimant les étables où l'on engraisse les boeufs avec du grain, voire en réduisant massivement le nombre de boeufs de boucherie."

Dans son best-seller the Eco-Spasm Report, le futurologue Alvin Toffler proposait un espoir positif quant à la crise alimentaire qui sévit dans le monde. Il anticipait "l'apparition d'un mouvement spirituel en Occident qui restreindrait la consommation de boeuf, sauvant ainsi des milliards de tonnes de grains et procurant un meilleur régime alimentaire au monde entier".

Les vaches vivantes: un atout économique

De toute évidence, une vache vivante offre à la société plus de produits alimentaires qu'une vache morte - sous forme d'un approvisionnement continu en lait, fromage, beurre, yogourt et autres aliments riches en protéines. les vaches d'Amérique produisent tant de lait que Sam Gibbons, député de Floride, signala au Congrès américain que "les Etats-Unis stockaient un surplus de 440 millions de livres de beurre, 545 millions de livres de fromage et 765 millions de livres de lait écrémé en poudre." Ce stock s'accroît denviron 45 millions de livres par semaine.

En 1971, Stewart Odend'hal - de l'Université du Missouri - mena une étude détaillée sur les vaches du Bengale et découvrit que, loin de priver les humains de manger, elles ne se nourrissent que d'herbe et de restes non-comestibles des récoltes (écorces du riz, extrémités supérieures des tiges de canne à sucre, etc.). "Fondamentalement dit-il, le bétail transforme des items ayant peu de valeur directe pour lhomme en produits d'utilité immédiate." Voilà qui devrait détruire le mythe selon lequel les gens crèvent de faim en Inde parce qu'ils refusent de tuer la vache.

La viande vous coûte plus que vous ne le croyez

Pratiquement parlant, la production de viande s'avère si peu rentable que cette industrie ne peut survivre sans subventions. La plupart des gens ignorent à quel point les gouvernements nationaux maintiennent l'industrie de la viande à coups de prêts, de contributions, etc. Par exemple, en 1977, le ministère de l'agriculture des Etats-Unis acheta pour $100 millions de surplus de boeuf pour les dîners à l'école. La même année, les gouvernements de l'Europe occidentale achetèrent au coût d'un demi-milliard de dollars la surproduction de viande des agriculteurs et déboursèrent des millions additionnels pour l'entreposer.

Gaspillage du trésor public

D'autres dollars du contribuable sont aussi jetés par les fenêtres chaque année par le gouvernement américain qui maintient un réseau national d'inspecteurs pour contrôler la qualité de la viande. Le problème peu divulgué des maladies animales entraîne aussi des dépenses à coups de millions. Quand on tue les animaux malades, le gouvernement verse une indemnité aux propriétaires. En 1978, par exemple, le gouvernement américain versa $50 millions des impôts payés par les contribuables en indemnités pour le contrôle de la brucellose, une maladie qui s'attaque au bétail. Un autre programme du gouvernement américain garantit aux producteurs de viande des prêts pouvant s'élever jusqu'à $350 000. Cependant, les agriculteurs n'élevant pas de bétail obtiennent des garanties atteignant seulement $20 000. Un éditorial du New York Tïmes qualifia de ascandaleux ce projet de loi de subventions, qu'il décrivait comme un "vol révoltant des fonds du Trésor Public." De plus, malgré les nombreuses preuves accumulées par les services de santé gouvernementaux établissant un rapport entre l'alimentation carnée, le cancer et les maladies du coeur, le ministère de l'Agrieulture des Etats-Unis continue de débourser des millions pour promouvoir la consommation de chair animale.

Dans son livre Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, l'économiste Adam Smith proclame les avantages du végétarisme: "On peut en vérité se demander si la viande de boucherie constitue un élément nécessaire à la vie. Les céréales et autres aliments végétaux, avec le lait, le fromage et le beurre (ou l'huile, là où le beurre n'est pas disponible) nous offrent le régime le plus abondant, le plus sain, le plus nutritif et le plus vivifiant qui soit. Le bon sens ne requiert nullement qu'un homme se nourrisse de viande de boucherie."

Détérioration de l'environnement

En Amérique du Nord, il y a six fois plus de déboisement causé par l'industrie de l'élevage que par l'expansion humaine. De plus, 1es puissantes industries du fast-food défrichent massivement de grandes forêts vierges d'Amérique latine comme celles de l'Amazonie afin de les transformer en pâturages pour leur bétail. Les écologistes de tous les coins du monde s'alarment de voir cette situation; ils s'inquiètent grandement des conséquences de cette destruction sur le fragile équilibre de l'écosystème planétaire. Ces grandes zones de végétation sont la principale source de production d'oxygène pour la planète. Les écologistes expliquent qu'une légère diminution du taux d'oxygène dans l'air peut facilement entraîner de graves répercussions atmosphériques.

Il devient aussi de plus en plus évident que les ressources d'eau douce de notre planète non seulement se polluent, mais s'épuisent. L'industrie de la viande est particulièrement responsable de cette situation. Dans leur livre Population, Resources and Environment, Paul et Anne Ehrlich constatent que seulement 60 livres d'eau sont requises pour cultiver une livre de blé, tandis que la production d'une livre de viande nécessite de 2500 à 6 000 livres d'eau! En 1973, le New York Post découvrit l'usage choquant de cette précieuse ressource nationale: un immense abattoir à poulets d'Amérique utilisait quotidiennement cent millions de gallons d'eau! Ce qui suffirait pour approvisionner une ville de 25 000 habitants.

Conflit social

La production de la viande, qui requiert de plus grandes superficies que l'agriculture, est une source de conflit économique au sein de la société humaine depuis des siècles. Une étude publiée dans Plants Foods for Human Nutrition révèle qu'un acre de céréales produit cinq fois plus de protéines qu'un acre de pâturage réservé à la production de la viande; un acre de fèves ou de pois produit dix fois plus de protéines et un acre dépinards vingt fois plus! Ces vérités économiques étaient connues des Grecs de l'Antiquité. Dans son livre La République, Platon cite Socrate qui recommande le végétarisme: "Ce régime permettrait à une nation d'utiliser intelligemment ses ressources agricoles." Il signale aussi que si les gens commençaient à se nourrir d'animaux, de nouveaux pâturages seraient requis, et que pour obtenir ces pâturages les nations iraient j'usqu'à provoquer la guerre.

Source de guerre

Il est intéressant de noter que l'alimentation carnée joua un rôle important dans plusieurs guerres lors de l'expansion coloniale de l'Europe. Le commerce des épices avec l'Inde et autres pays d'Orient était l'objet d'un sérieux litige. Les Européens vivaient de viande conservée dans le sel. Afin de masquer et de varier le goût monotone et désagréable de leur nourriture, ils achetaient avidement de grandes quantités d'épices. La fortune à gagner par le commerce des épices était telle que gouvernements et marchands n'hésitaient pas à recourir aux armes pour s'assurer des sources d'approvisionnement!

A l'heure actuelle, l'éventualité d'un conflit universel basé sur la nourriture existe toujours. Déjà, en août 1974, la CIA (Central Intelligence Agency) publiait un rapport signalant que, dans un proche avenir, il y aurait peut être pas de quoi nourrir la population du monde à moins que les pays riches réduisent rapidement et massivement leur consommation d'animaux nourris aux grains."

Le végétarisme: une économie

Mais laissons la condition géopolitique du monde et revenons-en à notre portefeuille. Selon Trémolière, le point de vue de la nutrition humaine se résume en peu de mots: Le gramme de protéines animales coûte deux à quatre fois plus cher que celui des laitages; il n'y a pas, à ce jour, de raison scientifique connue pour une consommation de viande aussi élevée."

Gabriel Viaud-Bruant, lauréat de la société d'agriculture de France commente: "On achète de la viande, produit irritant et coûteux, au lieu de consommer des lentilles, des pois, des fèves, du riz, des haricots, beaucoup plus riches en azote, en phosphore, en fer et autres matières minérales ... C'est une grave erreur sociale et économique que de faire croire la nécessité du régime exclusif de la viande. Cette alimentation coûteuse, très échauffante, ne marche qu'avec le tabac et l'alcool."

En adoptant le végétarisme, le consommateur pourrait potentiellement économiser plusieurs centaines de dollars chaque année, soit des milliers de dollars au cours d'une vie. Les consommateurs dans leur ensemble épargneraient ainsi des milliards. Considérant tous ces points, il est difficile de voir comment nous pourrions négliger le végétarisme, une alimentation à toute fin économique, saine et abondante.