LE GOUT SUBLIME

Tu ne tueras point.

Végétarisme et religions.

"Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien", non pas des viandes superflues, mais la nourriture nécessaire qui répare en nous ce qui se perd tous les jours de la substance de notre corps... Car le chrétien, selon ces paroles, ne doit point désirer toute cette diversité de mets délicats, toutes ces pâtisseries et toutes ces viandes exquises, qui ne font que charger l'estomac, appesantir l'âme, aveugler l'esprit et donner des armes au corps pour l'asservir aux passions."

Saint Jean Chrysostome

La règle d'or

Montrer de la compassion pour toute forme de vie est une règle d'or que l'on retrouve dans les enseignements de toutes les grandes traditions religieuses. Puisque le végétarisme est l'extension naturelle de cette compassion, il est tout à fait naturel qu'il ait une place importante dans les pratiques religieuses.

De fait, toutes les religions ont en commun l'idée d'éviter de manger de la viande, ne serait-ce que pour quelques jours saints. En étudiant les Ecritures et la vie des fondateurs de ces diverses religions, on voit que l'alimentation végétarienne est le choix naturel pour l'être qui désire atteindre le pur amour de Dieu.

Egypte, Chine et Japon

Certains prêtres d'Egypte s'abstenaient de toute viande afin de pouvoir respecter leurs voeux de célibat. Ils rejejtaient aussi la consommation d'oeufs, appelant ceux-ci "chair liquide". Dans les temples shinto au Japon, on interdisait les sacrifices d'animaux et on conseillait l'alimentation végétarienne pour la purification du corps.

Les textes anciens décrivant la pratique du confucianisme et du taoïsme recommandent d'éviter les aliments carnées tel le porc "qui rend l'haleine désagréable aux ancêtres".

Zoroastrien, Sikh et Jaïn

"Le Seigneur de sagesse a prédit des malheurs à ceux qui suppriment la vie du boeuf avec des cris d'extase. Pour de tels actes, la race des sacrificateurs et celle des prêtres magiciens seront réduites à néant... que soient maudits tous ceux qui prêchent qu'il faut tuer le bétail! Que soient maudits les faux prophètes, les faux prêtres, les uns et les autres corrompus, qui trahissent la vérité, accaparent le pouvoir et falsifient tout par leurs mensonges. C'est de cet Esprit du mal dont sont remplis les soi-disant grands de ce monde et les potentats, c'est Lui qui les a tous fait tomber dans ces erreurs atroces. Ils s'allient aux démons pour accomplir leurs desseins et font assassiner le bétail pour s'en repaître, en violation des buts divins."

Ainsi parlait le prophète Zarathoustra qui fonda la religion zoroastrienne au 6è siècle avant Jésus-Christ. Bien que cette religion fut abolie en Iran lors de la conquête islamique, elle compte aujourd'hui plus de 200,000 adeptes végétariens.

La religion sikh, qui est un intéressant mélange d'hindouisme et d'islamisme, fut fondée en Inde au 15e siècle par Guru Nanak. D'après l'érudit sikh Swaran Sing Sanehi, Guru Nanak considérait la consommation de viande comme impropre, "particulièrement pour ceux qui essaient de méditer". Bien que, en raison de l'influence musulmane, la plupart des sikhs sont maintenant canivores, certains regroupements, comme la secte Namdhari et le mouvement 3HO de Yogi Bhajan, sont strictement végétariens.

Fondée en Inde par Mahavira (599-527 avant Jésus-Christ), le jaïnisme est principalement basé sur l'ahimsa: la non-violence. Les jaïns sont toujours très fidèles aux enseignements sacrés, et les 4 millions de membres de cette religion sont tous de stricts végétariens.

Judaïsme et Ancien Testament

Au début de la Genèse, Dieu enseigne l'alimentation réservée à l'être humain: "Je vous donne toute végétation portant semence qui est sur la surface de toute la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence: ce sera votre nourxiture." (Genèse 1-29)

Ainsi, pendant 10 générations, Adam jusqu'à Noé, le peuple d'Israël fut principalement végétarien. Puis vint l'époque où l'être humain "tomba dans le péché" et se mit à offrir des animaux en sacrifice. (Genèse 4:4). Mais Dieu n'est jamais satisfait par ces sacrifices. "Je suis dégoûté des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux. Le sang des taureaux, des brebis et des boucs Me répugne ... Quand vous tendez les mains, Je détourne les yeux. Vous avez beau multiplier les prières, Moi, Je n'écoute pas, car vos mains sont pleines de sang." (Isaïe 1:11-15).

Procédé Kasher

Dans le procédé "Kasher," le sacrifice animal ne peut être effectué que sous certaines conditions. "Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, son sang." (Genèse 9.2-4). Voilà pourquoi les Juifs tentent de vider tout le sang hors du corps de l'animal avant de consommer sa chair. La viande ainsi préparée est appelée Kasher.

Mais ce procédé est défectueux, car même si le sang est extrait des artères, il en reste quand même dans les plus petits vaisseaux sanguins. Il est donc impossible de manger de la viande complètement dépourvue de sang. Conclusion: aucune viande n'est parfaitement Kasher. Seul le Juif végétarien ne se nourrit pas du sang des animaux.

Un compromis

Dans son ouvrage classique intitulé The Jewish. Dietary Laws, Rabbi Samuel Ho Dresnet explîque que: "Se nourrir de viande Kasher est une sorte de compromis... l'homme devrait idéalement ne pas manger de viande car pour ce faire un animal doit être mis à mort."

Juifs végétariens

De plus en plus de Juifs rejettent ce compromis. Le nombre des adhérents à la Société internationale des Juifs Végétariens augmente modestement mais régulièrement. En Israël, plus de 4% de la population est végétarienne et ce nombre continue d'augmenter. En fait, après l'lnde, Israël est le pays où l'on retrouve la plus grande concentration de végétariens religieux.

Martin Buber (1878-1965), réputé pour être l'un des plus grands philosophes existentialistes et penseurs juifs modernes, recommandait une alimentation sans viande. Isaac Bashevis Singer et Samuel Yoseph, tous deux auteurs et prix Nobel, expliquent que le végétarisme est une preuve de bienveillance envers les animaux.

Christianisme et Nouveau Testament

Le Nouveau Testament que nous connaissons reste mystérieusement muet sur l'alimentation de Jésus et la nourriture qu'il recommandait.

Certains exégètes croient que cette lacune serait due à une suppression des passages de l'évangile qui restreignaient la consommation de chair animale.

Correction ou corruption

Le professeur Nestlé, dans son livre Introduction to the Textual Criticism of the Greek Testanment nous dit que certains érudits appelés "corretores" furent nommés par les autorités ecclésiastiques afin de "corriger", c'est-à-dire altérer, les textes des Ecritures dans l'intérêt de ce qui était considéré "orthodoxe" à l'époque.

Une de ces "corrections" eut lieu au concile de Nicée (325 après J.C.). A ce concile, affirment plusieurs érudits contemporains, les prêtres ont complètement modifié, par omission ou extrapolation, les documents chrétiens originaux. Le but de ces modifications était de rendre ces Ecritures acceptables à l'empereur Constantin. Celui-ci était loin d'être végétarien, car on dit, entre autres, qu'il versait du plomb liquide dans la gorge des chrétiens végétariens qu'il capturait.

Manuscrits de la mer Morte

Alors que les plus anciens documents connus du Nouveau Testament datent du 4e siècle (donc après le concile de Nicée), des manuscrits datant du tout début de l'ère chrétienne ont été découverts en 1947. L'authonticité de ces textes ferait d'eux les plus complets et les plus anciens des Ecrits chrétiens présentement connus.

Dans ces pages, Jésus est décrit comme étant un strict végétarien. Ce que confirme la prédiction de l'Ancien Testament: "C'est donc le Seigneur Lui-même qui va vous donner un signe. Voici: La jeune fille est enceinte et va enfanter un fils qu'elle appellera Emmanuel. De laitage et de miel, il se nourrira jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien." (Isaïe 7:14).

On y retrouve aussi de nombreuses références au végétarisme. Notamment, ce dialogue entre un Saducéen et Jésus: "Dis-moi, pourquoi dis-tu que nous ne devons pas manger la chair des animaux? Le bétail ne fut-il pas donné à l'homme comme les fruits et les herbes?" Jésus lui répondit en ouvrant un melon. "Regarde ce fruit de la terre, regarde avec tes propres yeux ce bon fruit du sol et voit les graines qu'il contient. Chaque melon peut produire plus de 100 autres melons. Si tu plantes cette graine, tu te nourris du vrai Dieu, car aucun sang n'a coulé. Aucun cri n'a été perçu par tes oreilles et aucun sang n'a été vu de tes yeux. La vraie nourriture de l'homme provient de notre mère la Terre. Mais regarde ce que Satan donne: l'angoisse et la mort, le sang des vivants pris par l'épée. Ne sais-tu pas que celui qui vit par l'épée périra par l'épée? Va, plante le bon fruit de la vie et ne fais plus souffrir les animaux."

Chrétiens végétariens

Les écrits des premiers chrétiens démontrent aussi l'importance du végétarisme pour leur pratique religieuse. Clément d'Alexandrie (160-240), l'un des pères de l'Eglise, recommande cette alimentation: "Il vaut mieux être heureux, dit-il, que de rendre nos corps pareils à des tombes pour les animaux... l'apôtre Mathieu mangeait des grains, des noix et des légumes, et s'abstenait de toute chair. Saint Jérome, chef célèbre au début de l'Église chrétienne écrivait: "La préparation des légumes, des fruits et des légumineuses est facile et ne requiert pas de cuisiniers qui coûtent cher." Il jugeait qu'un tel régime s'accordait mieux avec une vie consacrée à la quête de la sagesse. Saint Jean Chrysostome (345-407) considérait l'alimentation carnée comme une coutume cruelle et contre nature pour les chrétiens: "Nous imitons les moeurs des loups, des léopards, ou plutôt nous faisons pire qu'eux. La nature les a faits pour qu'ils se nourrissent ainsi, mais Dieu nous a dotés de la parole et du sentiment de l'équité, et nous voilà devenus pires que les bêtes sauvages." Il disait aussi: "Nous, les dirigeants chrétiens, pratiquons l'abstinence de la chair animale." Saint Benoît, qui fonda l'ordre monastique des Bénédictins en 529, prescrivait les aliments végétariens comme nourriture de base pour ses moines. L'ordre de la Trappe, dès sa fondation au 17e siècle, s'opposa rigoureusement à la consommation de la viande, des oeufs et des autres aliments d'origine animale. Cette règle fut relâchée par le Concile du Vatican de 1965, mais la plupart des Trappistes adhèrent encore à l'enseignement originel sur le végétarisme. Aujourd'hui, lEglise adventiste du septième jour recommande fortement le végétarisme à ses membres, s'appuyant sur les enseignements de la Bible. Même si la majorité des chrétiens sont non-végétariens, nombreux sont ceux qui le deviennent et peuvent faire des déclarations similaires à celle de John Wesley (1703-1791), le fondateur du méthodisme: "Je remercie Dieu, car depuis que j'ai laissé la viande et le vin, je suis libéré de toutes maladies physiques."

L'islamisme et Mahomet

"Ceux qui sont bons envers les créatures de Dieu, sont bons envers eux-mêmes."

Hadith du prophète Mahomet

A la Mecque, lieu de naissance du prophète Mahomet (fondateur de l'islamisme), aucune créature ne peut être tuée, pas même un moustique. Lorsque le pèlerin approche ce lieu saint il prend un grand soin pour ne pas écraser d'insectes.

Les premiers biographes du prophète Mahomet indiquent que celui-ci préférait la nourriture végétarienne. Mahomet se nourrissait surtout de fruits, de légumes, de lait, de miel et de dattes. Il disait: "Plusieurs anges descendront là où il y a abondance de légumes".

Quoique les musulmans d'aujourd'hui soient majoritairement carnivores, on retrouve de nombreux enseignements de l'Islam, notamment dans la tradition Soufi, qui recommandent le végétarisme. Et comme dans le judaïsme, les musulmans ne peuvent se nourrir de viande sans avoir préalablement suivi certaines règles.

Al-Ghazzali (1050-1111), un des plus grands philosophes musulmans, disait: "Se nourrir de la chair de la vache apporte la maladie, mais son lait apporte la santé. Une habitude alimentaire motivée par la compassion procure une vie paisible."

Le Bouddhisme et la compassion

"Que le disciple s'abstienne de toute viande afin de ne pas causer de frayeurs aux autres entités vivantes ... L'homme sensé ne se nourrit pas de viande... Il se peut que dans le futur, des insensés prétendent que j'ai approuvé la consommation de la viande, mais... je n'ai pas permis, je ne permets pas et je ne permettrai jamais à personne de se nourrir de chair animale... en tout temps et en tout lieu, c'est inconditionnellement interdit pour tous."

Parole de Bouddha
Dhammapada

Le bouddhisme débuta en Inde comme une réaction face à l'abattage généralisé des animaux. Cette boucherie, née d'une perversion de la religion, fut contrecarrée par les enseignements de Bouddha sur la non-violenoe (ahimsa).

D.T. Suzuki, éminente autorité bouddhiste, écrit dans son livre The Chain of Compassion: "La compassion est le fondement de la religion bouddhiste." Un bouddhiste doit donc éliminer la viande de son menu car la consommation de la chair détruit la semence de la compassion.
(Mahaparinirvana Sutra)

Originellement, les bouddhistes étaient tous strictement végétariens. Malheureusement, un très grand nombre ont dévié des enseignements premiers. Ces bouddhistes croyaient qu'ils pouvaient se nourrir d'un animal qui ne fût pas tué de leurs propres mains. Ce genre de déviation avait pourtant été condammé par Bouddha: "Ce n'est pas vrai que la viande peut être consommée si l'animal n'a pas été tué par soi-même." (Lankavatara Sutra)

Aujourd'hui, par souci de respect envers toutes les formes de vie, plusieurs millions de bouddhistes sont demeurés rigoureusement végétariens: "Comment un bhiksu (chercheur de vérité) qui espère devenir un libérateur d'autrui, peut-il vivre en se nourrissant de la chair des autres entités vivantes?" (Surangama Sutra)

L'Hindouisme et les Védas

"Ceux qui désirent posséder une beauté exquise, une longue vie, une santé parfaite, une bonne mémoire et une grande force physque morale et spirituelle doivent s'abstenir complètement de toute chair animale... Qui peut être plus cruel et plus égoïste que celui qui veut nourrir sa chair de celle d'innocents animaux?"

Mahabharata

Les Ecritures védiques de l'Inde, qui sont les plus anciens textes connus sur cette planète, insistent sur la nécessité du végétarisme. Ces livres contiennent de nombreuses références condamnant la consommation de chair animale et encourageant la compassion envers les animaux. Entre autre, la Manu-Samhita (ancien livre de loi pour l'humanité) explique: "On ne peut se procurer de viande sans blesser un être vivant, ce qui nous empêchera d'accéder à la félicité céleste; évitons donc de manger de la viande." Un autre passage du même ouvrage nous met en garde: "Après avoir mûrement considéré l'origine révoltante de la viande et la cruauté de la captivité et de la mise à mort d'êtres vivants, abstenons-nous entièrement de toute consommation de chair." Malgré l'influence occidentale, on trouve encore aujourd'hui plus de 600 millions d'Hindous religieusement végétariens.

Ces dernières années, le Mouvement pour la Conscience de Krishna a introduit ces considérations morales à travers le monde entier. Srila Prabhupada, le fondateur-acharya (maître spirituel) de ce Mouvement dit un jour: "Puisque nul n'est en mesure de créer un être vivant, personne n'a donc le droit de tuer; les lois humaines qui font une distinction entre tuer un être humain et tuer un animal sont imparfaites... Selon les lois de Dieu, la mise à mort d'un animal mérite un châtiment au même titre que celle d'un humain. Ceux qui établissent une distinction entre les deux fabriquent de toutes pièces leurs propres lois. Un des dix Commandements ordonne même: "Tu ne tueras point". Voilà une loi parfaite que les êtres humains ont défigurée par leurs discriminations et leurs spéculations: "Je ne tuerai pas d'êtres humains, mais je tuerai des animaux." Ainsi les gens se fourvoient-ils et sont-ils cause de souffrances pour eux-mêmes et pour autrui.