ma phalesu kadacana
ma karma-phala-hetur bhur
ma te sango ’stv akarmani
Tu as le droit de remplir les devoirs qui t'échoient, mais pas de jouir du fruit de tes actes; jamais ne crois être la cause des suites de l'action, et à aucun moment ne cherche à fuir ton devoir.
Trois facteurs sont ici à considérer, le devoir prescrit, l'action indépendante, et l'inaction. Les devoirs prescrits correspondent aux obligations auxquelles on doit faire face tant qu'on subit l'emprise des trois gunas; les actions indépendantes, à celles qu'on accomplit sans tenir compte des instructions que nous donnent les Ecritures et les acaryas, et l'inaction consiste à refuser son devoir. Le Seigneur conseille à Arjuna de ne pas emprunter la voie de l'inaction; mais plutôt d'agir en fonction de son devoir, sans s'attacher aux résultats. Car celui qui s'attache aux fruits de l'action prend sur lui la responsabilité de ses actes, et doit donc jouir ou souffrir de leurs conséquences. Les devoirs prescrits peuvent être de trois ordres, les devoirs de routine, les devoirs d'urgence et les occupations voulues. Les devoirs de routine seront accomplis selon les normes des Ecritures et sans attachement pour les fruits qui en découlent. Parce qu'il s'agit là de devoirs imposés, les accomplir relève de la vertu (sattva-guna). L'action faite en vue de ses fruits engendre au contraire l'asservissement, et doit, de ce fait, être tenue pour fort nuisible. Chacun a le droit de remplir son devoir, mais nul ne doit jamais agir en vue des résultats. S'acquitter de ses obligations dans un esprit de détachement, c'est avancer d'un pas sûr vers la libération spirituelle.
Le Seigneur conseille donc à Arjuna de combattre par devoir, sans s'attacher aux fruits de l'action. Ne pas vouloir engager le combat constitue par ailleurs une autre forme d'attachement. Bons ou mauvais, les attachements matériels sont toujours cause de servitude et ne peuvent en aucun cas nous aider à nous affranchir de la condition matérielle. L'inaction, d'autre part, est condamnable. Donc, la seule voie de salut pour Arjuna est de combattre comme son devoir l'exige.